Cheval rouge au bain — Wikipédia

Cheval rouge au bain
Cheval rouge au bain
Artiste
Date
Type
Huile sur toile
Technique
Huile
Lieu de création
Gusyovka (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Dimensions (H × L)
160 × 180 cm
Mouvements
No d’inventaire
Ж-375Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation

Cheval rouge au bain (en russe : Купание красного коня) est un tableau du peintre russe Kouzma Petrov-Vodkine. Réalisé en 1912, c'est un point de repère dans la carrière de l'artiste. Il lui a apporté la reconnaissance, a fait connaître son nom dans toute la Russie, mais a été la source de nombreuses controverses.

Histoire de sa création

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L'année 1912, Petrov-Vodkine vit à Khvalynsk dans le Sud de l'Empire russe. Certains critiques d'art pensent que le tableau du Cheval rouge au bain a été peint dans un village de l'Oblast de Volgograd, à Goussiovka[1]. Le peintre a réalisé de nombreuses esquisses avant de terminer sa toile. Il existe des variantes de celles-ci qui n'ont pas été conservées, mais dont il existe des photos en noir et blanc. C'est au départ plutôt une scène de genre qu'un tableau symboliste comme il le devient dans les esquisses qui suivent. Les premières esquisses ont été détruites par Petrov-Vodkine lui-même, probablement dès son retour à Saint-Pétersbourg. Le cheval pris comme modèle vivait dans la propriété où il se trouvait et s'appelait Maltchik.

Pour étudier la position précise du jeune garçon qui monte le cheval le peintre a pris comme modèle son propre élève Sergey Kalmykov (en) : « À destination des futurs compilateurs de ma monographie je signale que c'est moi que ce cher Kouzma Sergueïevitch a peint sur le cheval rouge. ... Dans cette image connue d'un jeune homme langoureux, c'est moi personnellement qui suis représenté »[2]. Sergueï Kalmykov est un élève de Petrov-Vodkine qui en 1911 a peint un tableau représentant des chevaux rouges se baignant. Peut-être est-ce cette toile qui a inspiré celle de son maître sur le même thème. Ce thème du bain des chevaux est assez fréquent dans la peinture russe.

Description

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Petrov-Vodkine, Guerrier assoiffé, 1915

Sur une grande toile presque carrée est représenté un lac aux couleurs vertes et bleues froides qui sert de fond au cavalier sur sa monture. La figure du cheval rouge occupe l'avant-plan de toute la toile. Il est si grand de taille qu'une partie de ses oreilles et de ses jambes sont situés en dehors du cadre. La couleur rouge semble plus lumineuse grâce aux couleurs froides du paysage et du corps du garçon. Cette toile est aussi une excellente illustration des théories de Petrov-Vodkine sur la perspective sphérique : la courbure des rives du lac, qui est soulignée dans la haut de la toile par le fragment de terre, voit sa perception optique légèrement déformée. Trois garçons et trois chevaux sont représentés : celui au premier plan et deux autres à l'arrière. Ceux-ci sont l'un avec un cheval blanc et l'autre avec un cheval de couleur orange. L'un conduit sa monture dans l'eau, l'autre est vu de dos et monte le cheval orange vers le fond du tableau. Les trois sujets forment une courbe dynamique, soulignée par la même courbure de la jambe, la même flexion du genou des garçons et le même mouvement des vagues.

Influence des icônes

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Boris et Gleb, сер. XIVe siècle, Galerie Tretiakov
Miracle de l'archange Mikhaïl, XVIIe siècle (?)

Certains critiques suggèrent que la couleur du cheval était d'abord différente, mais que le peintre a modifié la couleur par la suite après avoir vu des icônes de Novgorod dans cette couleur rouge, bai qu'il appréciait beaucoup.

La recherche et le rassemblement en collection des icônes russes puis leur restauration a connu leur apogée vers 1912 en Russie et cela a influencé les peintres de l'époque dont Petrov-Vodkine.

Le tableau a été la source de nombreuses controverses. Certains disaient que de telles robes de chevaux n'existaient pas dans la réalité. L'artiste leur répond qu'il a repris ses tons dans l'iconographie ancienne. Par exemple ceux du Miracle de l'archange Mikhaïl, dont le cheval est entièrement rouge. Comme sur les icônes, il ne reprend pas sur cette toile des mélanges de couleurs. Celles-ci sont contrastées et comme en confrontation.

« La création de Petrov-Vodkine cesse d'être une image et devient symbole, un manifeste, une épiphanie. Dans une certaine mesure son impact n'est pas moindre que celui du Carré noir sur fond blanc de Kasimir Malevitch [3] ». Le fait que le tableau ai quitté l'URSS pendant tant d'années peut expliquer qu'il ait eu moins de succès que les œuvres de Malevitch.

Perception par les contemporains

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Le tableau produit une grande impression sur le public contemporain du fait de sa monumentalité et de son histoire comme beaucoup d'autres œuvres de cette époque tant en peinture qu'en littérature. Le Cheval rouge a sa place dans l'histoire de la Russie comme un symbole qui pour certains signifie que le sort du pays est partagé entre la force du cheval et un jeune cavalier qui monte à cru. L'adolescent nu semble fragile, alors que le cheval est majestueux et monumental. La puissance de l'un souligne la faiblesse de l'autre. Pour d'autres le Cheval rouge est la Russie elle-même correspondant à ce qu'en disait Alexandre Blok : « C'est une jument des steppes ». Il convient aussi de remarquer que la couleur rouge choisie préfigure la couleur de la Russie soviétique du XXe siècle.

Petrov-Vodkine est imprégné de l'influence de ses maîtres préférés parmi lesquels Puvis de Chavannes, et surtout Matisse pour ce tableau Cheval rouge au bain. Selon Valentine Marcadé, il n'a pas pu s'en dégager pour faire une œuvre vraiment personnelle et n'a pas tenu les promesses de ses débuts[4]. Il a en effet joué un grand rôle dans la formation de la première génération de peintres soviétiques. Son utilisation de la couleur, de ses aplats, de ses combinaisons de bleus et de verts trahit dans cette œuvre l'influence de l'art byzantin et de Matisse. Sa construction de fonds de toile sur une courbe ascendante devint rapidement une constante de l'art russe[5]. Pour le critique Peter Leek, Le Cheval rouge au bain est l'œuvre la plus ouvertement symboliste de Petrov-Vodkine. Elle a un côté métaphorique bien qu'elle soit exempte d'allusions religieuses comme beaucoup de toiles de l'artiste [6].

Destinée du tableau

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Le sort du tableau n'est pas ordinaire. Il est exposé en 1912 à l'exposition de Mir iskousstva où il est accueilli très favorablement. En 1914 il est exposé à l'exposition Baltique dans la ville de Malmö en Suède. Le peintre reçoit des mains du roi de Suède une médaille pour sa réalisation du tableau. Surviennent alors la Première Guerre mondiale, la Révolution d'Octobre et la Guerre civile russe, si bien que le tableau reste longtemps en Suède.

Après la fin de la Première Guerre mondiale, de longues négociations ont lieu pour ramener le tableau en Russie. Ce n'est qu'en 1950, qu'il est rétrocédé à la famille de l'artiste. La veuve de Petrov-Vodkine confie la toile au collectionneur réputé K. K. Bassevitch qui lui-même en fera don à la Galerie Tretiakov en 1961.

Références

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  1. (ru) (ru) « Centenaire de la toile de l'artiste et ses racines dans l'oblast de la Volgograd/Вековой юбилей знаменитой картины русского художника отметят на её родине в волгоградской глубинке »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Волга Каспий,‎ (consulté le )
  2. (ru) génie secret du cheval rouge de l'avant-garde/ Тайный гений на красном коне авангарда, Ольга Власенко, Эксперт-Казахстан, 10 июля 2006 г.
  3. (ru) A. I. Ippolitov /Ипполитов А. И. http://thelib.ru/books/ippolitov_arkadiy/esse_1994_2008-read-16.html
  4. Valentine Marcadé, Le Renouveau de l'art pictural russe, Lausanne, l'Âge d'homme, , p. 171,p. 171
  5. Camilla Gray (trad. de l'anglais), L'Avant-garde russe dans l'art moderne : 1863-1922, Paris, Thames & Hudson, , 324 p. (ISBN 2-87811-218-0),p. 91
  6. Peter Leek (trad. de l'anglais), La peinture russe du XVIII au XXe s., Bournemouth, Parkstone, , 208 p. (ISBN 978-1-85995-356-3 et 1-85995-356-5),p. 105

Article connexe

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Liens externes

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