Clocher-mur — Wikipédia

Clocher-mur à deux étages de baies campanaires de l'église de Montgiscard (Haute-Garonne).
Profil d'un clocher-mur montrant l'abri des cloches à l'arrière (Pujaudran, Gers).

Un clocher-mur est un élément architectural, vertical et plat, placé en haut ou à l'avant d'un édifice (église le plus souvent) pour recevoir des cloches.

Il existe d’autres noms pour le même type de construction : « clocher-arcade », « clocher-peigne » (ou « clocher à peigne »), « clocher à arcade(s) », « clocher-pignon », « clocher en éventail », « clocher à jour », « panelle », « campenard », ou « mur campanaire ». Le mot « campenard », utilisé principalement en Picardie, est parfois orthographié « campenart[1] » et on emploie plus souvent le terme de « clocher-mur », ainsi que « clocher-peigne ». Le terme « panelle » désigne le clocher-mur dans les Hautes-Alpes.

Principe architectural

[modifier | modifier le code]

Il s'agit d'un mur unique percé d'une ou plusieurs baies destinées à accueillir une ou des cloches. En partie basse, les cloches peuvent être protégées par un auvent en charpente, jamais en maçonnerie. Un simple support en maçonnerie, pour une seule cloche, ne peut qu’être abusivement qualifié de « clocher-mur ».

Répartition

[modifier | modifier le code]
  • Ce type de clocher se trouve partout en France, de La Réunion aux Antilles françaises en passant par la Corse, l’Auvergne ou l’Alsace, surtout dans des chapelles de faible importance, mais certaines régions en ont fait un emploi caractéristique : en particulier dans le Sud-Ouest (Midi toulousain, Périgord, Limousin, Languedoc) ou la Catalogne, mais aussi dans une moindre mesure en Picardie et en Provence, voire très ponctuellement en Bretagne.
  • Il est très répandu dans la péninsule Ibérique et en Amérique du Sud (même en Guyane, Suriname ou Guyana), plus rare en Italie.

Particularités régionales

[modifier | modifier le code]
L'église Saint-Saturnin à Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac (Dordogne) et son clocher-mur.

Entre-deux-Mers

[modifier | modifier le code]

La zone girondine appelée Entre-deux-Mers (située entre la Garonne et la Dordogne) possède un grand nombre d'églises dotées d'un clocher-mur.

Clochers trinitaires souletins

[modifier | modifier le code]

La province basque de la Soule (Pyrénées-Atlantiques) se caractérise par un grand nombre de clochers-murs dits trinitaires : ils sont sommés de trois pointes représentant la Trinité.

En Bretagne, au XVe siècle, le clocher-mur est très simple, avec un modeste clocheton à une seule baie. Quant à la tour couronnée d'une flèche, elle est réservée aux paroisses opulentes. Une solution intermédiaire est trouvée pour la chapelle Notre-Dame-de-Kérinec. Le pignon épais (2,25 m et, dans sa partie centrale, 2,70 m) s'amortit en une pile qui s'élève au-dessus du niveau de faîte de la nef. Au sommet de cette pile, on établit une plate-forme encorbellée, qui supporte un beffroi, couronné d'une flèche[2]. On accède à la plate-forme par une tourelle d'escalier accostée au clocher. Au XVe siècle, on trouve également ce type de clocher-mur à Notre-Dame de Kernascléden, à Saint-Fiacre du Faouët et à Notre-Dame-de-la-Joie, en Penmarc'h. On le trouve ensuite dans des édifices du XVIe siècle[2].

En 1499, dans la chapelle Saint-Nicolas de Plufur, le dispositif est adapté à un mur beaucoup moins épais (1,20 à 1,30 m). L'architecte place des contreforts sur la pile centrale elle-même. La pile est raidie — jusqu'à la plate-forme — de quatre contreforts de plan constant : deux en façade, deux à l'arrière. Son plan n'est donc plus carré ni rectangulaire, mais en forme de H écrasé[3]. Saint-Nicolas est le prototype du « style Beaumanoir », qui se répand principalement dans le Bas-Trégor[4], et que l'on trouve parfois dans le Léon et en Cornouaille[5]. Il est beaucoup imité jusqu'au XIXe siècle[6].

Deux plans de clochers-murs côte à côte, à la même échelle.
Mur très épais et pile à plan carré pour Notre-Dame-de-Kérinec. Mur moins épais et pile à plan « en H » pour Saint-Nicolas de Plufur.

L'église abbatiale d'Aubazine, qui fut l'une des plus grandes églises du Limousin, comporte une façade « clocher-mur limousin » avec un pignon triangulaire percé de trois baies pour les cloches.

Midi toulousain

[modifier | modifier le code]

La région toulousaine connaît un développement exceptionnel du clocher-mur, avec la construction en brique et un emploi fréquent à partir de l'époque gothique, de l'arc en mitre typique inspiré des grandes églises toulousaines (église Notre-Dame du Taur). Le clocher-mur s'étend aussi aux régions voisines où la pierre est le matériau de construction principal.

Viollet-le-Duc en fait mention dans son Dictionnaire (article « Clocher »), sans lui donner de nom particulier :

« Il existe des clochers […] dans la Guyenne et le Languedoc, où les constructions de briques sont si fréquentes, qui possèdent jusqu'à cinq, six et même dix arcades propres à recevoir des cloches ; ce sont le plus souvent de simples pignons percés de baies posées trois trois, ou trois et deux, trois, deux et une, ou quatre, trois, deux et une. Ces sortes de clochers n'ont pas généralement de caractère architectonique qui les distingue des bâtisses plus vulgaires ; cependant on rencontre près de Toulouse quelques clochers assez élégants élevés d'après ce principe : nous citerons entre autres celui de Ville Nouvelle, dont les deux étages d'arcades triples sont flanqués de deux tourelles contenant des escaliers, avec passage d'une tourelle à l'autre devant les arcades. »

Il existait en Picardie une tradition de campenards (clocher-mur). Beaucoup de petites églises rurales ont eu à souffrir des combats de la Première Guerre mondiale et ont disparu, mais certaines ont fait l'objet d'une reconstruction d'esprit moderne.

Dans le monde

[modifier | modifier le code]

Le clocher-arcade est une particularité des églises de la ville de Pskov en Russie (mais il en existe aussi à Rostov Veliki, à Souzdal, à Novgorod). À partir du XVe siècle, de nombreux clochers de ce type apparaissent dans la ville. Ils sont surmontés d'une croix. Ils imposent à la ville une ordonnance horizontale à côté des églises qui sont de taille réduite. Leurs dimensions sont variables, mais leur simplicité extrême est une constante. Les cloches font leur apparition au XIe siècle en Russie. Au début, leurs dimensions réduites n'exigent que deux piliers en bois reliés par une poutre. Mais progressivement le remplacement des églises en bois par des églises en pierre font apparaître de véritables clochers. Lorsque les cloches se font plus lourdes, le clocher-arcade est bâti perpendiculairement à l'un des murs de l'église[7].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural : Les mots du passé, Paris, Fayard, , 1766 p. (ISBN 2-213-59587-9, lire en ligne), p. 351.
  2. a et b René Fage, Les clochers-murs bretons et leur évolution au XVe et au XVIe siècle, sur infobretagne.com, Caen, Olivier, 1919 ; tiré à part de Compte rendu du LXXXIe Congrès archéologique de France, 1914 (consulté le 21 août 2023).
  3. René Couffon, « Un atelier architectural novateur à Morlaix à la fin du XVe siècle », Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, 1938 (1re partie), p. 67.
  4. Henri Le Moullec, Clochers du Trégor, Association d'Histoire et d'Archéologie de la Région de Bourbriac, , 274 p..
  5. René Couffon, op. cit., p. 84 et 85.
  6. Yves-Pascal Castel et Christian Millet, « L'atelier Beaumanoir », dans Yves-Pascal Castel, Saint-Melaine et les Beaumanoir, Morlaix, Association des amis de Saint-Melaine, 1989, p. 53.
  7. Véra Traimond, Architecture de la Russie ancienne Xe – XVe siècles, Paris, Hermann éditeur des sciences et des arts, 2003, 234 p. (ISBN 2 7056 6433-5), p. 186-187.

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Jacques-Paul Morand, Clochers-murs du Midi toulousain, Toulouse, Loubatières, 2001, (ISBN 9782862663432)
  • Jean-Marie Pérouse de Montclos (dir.), Architecture. Vocabulaire et méthode, Paris, Imprimerie nationale, 1977
  • Dictionnaire historique et archéologique de la Picardie :
    • Tome I (1909, reprint Éditions Culture et Civilisation, Bruxelles, 1979) :
      • Canton d'Amiens, Le Pont-de-Metz, p. 152
    • Tome II (1912, reprint Éditions Culture et Civilisation, Bruxelles, 1979) :
      • P.-L. Limichin - Canton d'Hornoy, Aumont, p. 127
      • Abbé Charlier et L. Ledieu - Canton de Molliens-Vidame, Bettencourt-Rivière, hameau de Rivière, p. 305
  • René Fage, « Les clochers-murs de la France », Bulletin monumental dirigé par Eugène Lefèvre-Pontalis sous les auspices de la Société française d'archéologie, vol.85, A. Picard, libraire / Société générale d'imprimerie et d'édition, Paris, 1921, pp. 159-185 (consulter en ligne).

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

[modifier | modifier le code]