Double capture électronique — Wikipédia
La double capture électronique est un type de radioactivité de certains isotopes. Pour un nucléide donné de nombre de masse A et de numéro atomique Z, ce mode de radioactivité n'est possible que si la masse du nucléide obtenu (A ; Z-2) est inférieure à celle du nucléide initial.
Dans ce type de radioactivité, deux électrons du cortège électronique sont capturés par deux protons du noyau, devenant ainsi deux neutrons. Deux neutrinos sont émis dans cette transformation. Le nombre de neutrons augmente de 2, et le nombre de protons décroît de 2, le nombre de masse A restant alors inchangé. Par ce changement du nombre de protons, ce mode de radioactivité transforme le nucléide en un autre élément chimique, comme dans le mode de capture électronique simple. Exemple :
Dans la plupart des cas, ce mode est masqué par d'autres modes plus probables, mais lorsque tous les autres modes sont impossibles ou très réduits, il devient le mode principal de radioactivité. Il existe une trentaine isotopes radioactifs naturels qui pourraient produire la double capture électronique[réf. souhaitée] mais celle-ci n'a été observée de manière directe que pour le xénon 124 et de manière indirecte que pour le baryum 130 et le krypton 78. Une des raisons est la très faible probabilité de ce mode de radioactivité (les demi-vies prédites sont de l'ordre, voire supérieures à 1020 ans). Une autre raison est que les seules particules détectables dans ce mode sont les rayons X et les électrons Auger, qui sont émis par les couches électroniques excitées par l'absorption des deux électrons et la variation des niveaux d'énergie. Dans l'échelle des énergies d'émission (de 1 à 10 keV), le rayonnement de fond est généralement élevé. Ainsi la détection de la double capture électronique est-elle plus difficile que celle de la double émission β.
Modes « exotiques » de double capture électronique
[modifier | modifier le code]Il existe d'autres types de radioactivité lors d'une double capture électronique. Si la différence de masse entre le noyau initial et final est plus grande que la masse des deux électrons (1,022 MeV), l'énergie libérée est suffisante pour permettre un autre mode : la capture électronique avec émission de positron. Il advient conjointement avec la double capture électronique, leurs proportions respectives dépendant des propriétés du noyau concerné. Lorsque la différence de masse est supérieure à celle de quatre électrons (2,044 MeV), un troisième mode – la double émission de positron – est possible.
Seulement six isotopes radioactifs naturels peuvent présenter simultanément ces trois modes de radioactivité.[réf. souhaitée]
La double capture électronique sans neutrinos
[modifier | modifier le code]Le processus initialement décrit, soit la capture de deux électrons avec émission de deux neutrinos (la double capture électronique avec double émission neutronique) est permis par le modèle standard des particules : aucune loi de conservation (y compris la conservation du nombre leptonique) n'est violée. Mais dans le cas où le nombre leptonique n'est pas conservé, un autre mode de ce type de radioactivité est possible : la double capture électronique sans neutrinos. Dans ce cas deux électrons sont capturés par le noyau, mais les neutrinos ne sont pas émis. L'énergie est alors émise par un rayon gamma. Ce mode n'a jamais été observé, et contredirait le modèle standard s'il était détecté.
Mise en évidence expérimentale
[modifier | modifier le code]Krypton 78
[modifier | modifier le code]La demi-vie mesurée du krypton 78 est de 9,2 × 1021 ans[1].
Baryum 130
[modifier | modifier le code]La décroissance du baryum 130 par ce processus a pu être mise en évidence sur la base d'arguments géochimiques[2],[3],[4]. Plus précisément, ces études géochimiques permettent de donner un temps de vie global correspondant à l'ensemble des décroissances bêta : double désintégration bêta, double capture électronique et combinaison d'une capture électronique et d'une désintégration bêta plus. Cependant, des calculs théoriques permettent d'estimer les temps de demi-vie des différents processus à 1,7 × 1029 années pour la double désintégration bêta, à 1,0 × 1023 années pour la combinaison de la capture électronique et de la désintégration bêta plus et à 4,2 × 1021 années pour la double capture électronique[5]. Ce dernier processus étant au moins 100 fois plus rapide que les deux autres processus, le temps de demi-vie global est uniquement composé de la contribution de la double capture électronique.
Xénon 124
[modifier | modifier le code]En 2019, les physiciens de l'expérience XENON, destinée essentiellement à la recherche de la matière noire, annonce être parvenue à détecter 160 désintégrations, par double capture électronique, d'atomes de xénon 124 contenus dans un réservoir de 1 000 kg de xénon pur[6],[7]. Ils en déduisent que le xénon 124 a une demi-vie de (1,8 ± 0,6) × 1022 ans, la plus longue demi-vie jamais mesurée[7].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Yu. M. Gavrilyuk et al., « Indications of 2ν2K capture in 78Kr », Physical Review C, (lire en ligne).
- A.S. Barabash and R.R. Saakyan, Experimental limits on 2beta+, K beta+, and 2K processes for Ba-130 and on 2K capture for Ba-132 , Phys. At. Nucl. 59 (1996) 179
- A.P. Meshik et al., Weak decay of 130Ba and 132Ba: Geochemical measurements, Phys. Rev. C 64 (2001) 035205 DOI 10.1103/PhysRevC.64.035205
- M. Pujol. B. Marty, P. Burnard, et P. Philippot, Xenon in Archean barite: Weak decay of 130Ba, mass-dependent isotopic fractionation and implication for barite formation, Geoch. Cosm. Act. bf 73 (2009) 6834. DOI 10.1016/j.gca.2009.08.002
- M. Hirsch et al., Nuclear structure calculation of β+β+, β+/EC and EC/EC decay matrix elements, Z. Phys. A 347, 151-160 (1994)
- (en) Andrew Grant, « A decay with an extraordinary half-life », Physics Today, (DOI 10.1063/PT.6.1.20190503a, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Collaboration XENON, « Observation of two-neutrino double electron capture in 124Xe with XENON1T », Nature, vol. 568, (DOI 10.1038/s41586-019-1124-4).