Fers (peine) — Wikipédia
La peine de fers est une ancienne peine du droit français, définie dans le Code pénal de 1791[1] pour remplacer la peine des galères. Maintenue dans le Code des délits et des peines de l’an IV (art. 603)[2], elle est finalement supprimée par le Code pénal napoléonien de 1810, qui remplace le terme de « fers » par celui de « travaux forcés »[3].
Genèse : de la chaîne aux fers
[modifier | modifier le code]Lors du débat de 1791 à l'Assemblée nationale constituante, dans sa séance du vendredi 3 juin 1791, Louis Michel Lepeletier, marquis de Saint-Fargeau, propose de remplacer la peine des galères, toujours accompagnée des deux peines accessoires du fouet et de la marque, par une nouvelle peine dénommée la « peine de la chaîne »[4],[5].
Cette peine tire son nom de ce qu'il est imposé aux condamnés de traîner « à l'un des pieds un boulet attaché avec une chaîne de fer ». Le texte adopté prévoit que « les condamnés à la peine de la chaîne seront employés à des travaux forcés au profit de l'État, soit dans l'intérieur des maisons de force, soit dans les ports et arsenaux, soit pour l'extraction des mines, soit pour le dessèchement des marais, soit enfin pour tous autres ouvrages pénibles, qui, sur la demande des départements, pourront être déterminés par le Corps législatif[4].
Comme les galériens, les condamnés à la chaîne sont toujours envoyés dans les ports et arsenaux, mais peuvent être employés à des travaux plus variés qu’auparavant.
Toutefois, lors de la séance du 25 septembre 1791, Le Pelletier de Saint-Fargeau propose, pour des raisons euphoniques, de substituer aux mots « peine de la chaîne » ceux de « peine des fers » « à cause de la consonance des mots « gêne » et « chaîne » précédemment employés dans le projet »[6].
La peine de fer devient une peine nouvelle dans le droit français[7], peine afflictive (comme le cachot et la prison), mais aussi infamante (comme la dégradation civique pour les hommes et le carcan pour les femmes). Elle ne peut en aucun cas être perpétuelle. Elle ne s'applique pas « aux femmes et aux filles », qui, si elle y sont condamnées, l'éxécutent comme peine de récusion dans une maison de force[8].
Exécution de la peine des fers
[modifier | modifier le code]Selon l'article 6 du code pénal de 1791, « Les condamnés à la peine des fers, seront employés à des travaux forcés au profit de l'État, soit dans l'intérieur des maisons de force, soit dans les ports et arsenaux, soit pour l'extraction des mines, soit pour le dessèchement des marais, soit enfin pour tous autres ouvrages pénibles, qui, sur la demande des départements, pourront être déterminés par le corps législatif ».
Les condamnés à la peine des fers sont astreints au travail forcé. Un de leurs pieds est relié à un boulet par une chaine de fer (article 7). Les bagnes portuaires militaires de Lorient, Toulon, Rochefort et Brest accueillent les condamnés aux fers. Sous le second Empire, un établissement central des fers est créé à Douera en mai 1855 en Algérie. Le 30 avril 1855, il accueille 246 condamnés militaires aux fers en provenance des maisons centrales, des forts et des bagnes métropolitains. Il est transféré à Bône quelques mois plus tard. Il est en service pendant trois ans, de 1855 à 1858[9].
La peine des fers doit être distinguée de la flétrissure (ou marquage au fer) par application d'une empreinte avec un fer brûlant sur l'épaule droite prévue par l'Ancien Régime avec une fleur de lys, supprimée, sous le nom de « la marque », par l'article 2 du décret du 26 septembre 1791[10], puis rétablie par l'article 20 du code pénal de 1810[11].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Code pénal de 1791#Titre Premier – Des peines en général
- Art.603 du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) : Les peines afflictives sont la mort, la déportation, les fers, la réclusion dans les maisons de force, la gêne, la détention.
- ARTICLE 7. Les peines afflictives et infamantes sont : 1° La mort ; 2° Les travaux forcés à perpétuité ; 3° La déportation ; 4° Les travaux forcés à temps ; 5° La réclusion.
- « Peine de mort - Débat de 1791 à l'Assemblée nationale constituante - Séance du 3 juin 1791 », sur www.assemblee-nationale.fr (consulté le )
- Louis Michel Lepeletier Saint-Fargeau, « Rapport par M. le Pelletier de Saint-Fargeau sur le projet de Code pénal en annexe de la séance du 23 mai 1791 », Archives Parlementaires de la Révolution Française, vol. 26, no 1, , p. 319–332 (lire en ligne, consulté le )
- Louis Michel Lepeletier Saint-Fargeau, « Suite à la relecture des articles décrétés relativement au Code pénal l'Assemblée décrète la substitution des mots "peine de la chaîne" par "peine des fers" ainsi que l'insertion de deux articles additionnels, lors de la séance du 25 septembre 1791 », Archives Parlementaires de la Révolution Française, vol. 31, no 1, , p. 325–325 (lire en ligne, consulté le )
- « La peine de gêne, peine nouvelle, consiste en un emprisonnement solitaire, sans liens, dans un lieu éclairé, avec un travail choisi parmi ceux que la maison autorise », Jacques-Guy Petit, Ces peines obscures…, p. 56.
- Article 9 du code pénal de 1791.
- Nadia Biskri, « Un établissement pénitentiaire singulier dans «l’archipel punitif» de l’armée française en Algérie : L’établissement des fers de Douera puis de Bône (1855-1858) », L’Année du Maghreb, no 20, , p. 35–57 (ISSN 1952-8108, DOI 10.4000/anneemaghreb.4458, lire en ligne, consulté le )
- Adrien Jean Duport, « Décret relatif aux dispositions du nouveau Code pénal, proposé par le comité de jurisprudence criminelle, lors de la séance du 26 septembre 1791 », Archives Parlementaires de la Révolution Française, vol. 31, no 1, , p. 342–343 (lire en ligne, consulté le )
- « La flétrissure, ou quand les criminels français étaient marqués au fer rouge », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, (consulté le )
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Texte intégral original du Code pénal du (en ligne).
- Texte intégral orignal du Code des délits et des peines du 3 brumaire, an 4 (en ligne)
- Texte intégral orignal du Code pénal de 1810 (en ligne)
- Du code révolutionnaire au code napoléonien, sur le site des Archives de France : Promulgation du Code pénal - (en ligne)
- Le débat de 1791 à l'Assemblée nationale constituante (séance du lundi ) : Rapport sur le projet du Code pénal par Le Pelletier de Saint-Fargeau (en ligne)
- Une autre justice, 1789 - 1799. Études publiées sous la direction de Robert Badinter; Fayard, 1989.
- Pierre Lascoumes, « Le verso oublié du « catéchisme révolutionnaire » : le code pénal du », Cahiers de recherche sociologique, no 13, 1989, p. 31-51 [lire en ligne] [PDF]
- Danis Habib, Sylvie Nicolas. Le justiciable devant les tribunaux criminels à Paris (1790-1792), Criminocorpus, publié le , en ligne.
- Sous la direction de Sylvie Humbert, Nicolas Deras : La prison, du temps passé au temps dépassé, Éditions L'Harmattan, 2012, 232 p., (ISBN 978-2-296-55650-8) ; voir, p. 95 et suivant, les difficultés de la naissance de la prison cellulaire.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Code pénal de 1791 (décret du )
- Code des délits et des peines (3 brumaire an IV - )
- Code pénal de 1810
- peine afflictive et infamante
- Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau
- Galères
- Travaux forcés
- Flétrissure
- Marquage au fer
Liens externes
[modifier | modifier le code]- La peine de la gêne dans criminocorpus.org
- la peine des fers dans criminocorpus.org
- Lettre du Préfet du Var, relative à l'indemnisation des frais engagés par les communes en faveur des condamnés aux fers (24 vendémiaire an II - mars 1802),Archives municipales de la Ville de Cannes (4J1)