Fonction monotone — Wikipédia

Figure 1. Graphe d'une fonction monotone (fonction croissante).
Figure 2. Graphe d'une fonction monotone (fonction décroissante).
Figure 3. Graphe d'une fonction qui n'est pas monotone.

En mathématiques, une fonction monotone est une fonction entre ensembles ordonnés qui préserve ou renverse l'ordre. Dans le premier cas, on parle de fonction croissante et dans l'autre de fonction décroissante. Ce concept est tout d'abord apparu en analyse réelle pour les fonctions numériques et a été généralisé ensuite dans le cadre plus abstrait de la théorie des ordres.

Monotonie en analyse réelle

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Intuitivement (voir les figures ci-contre), la représentation graphique d'une fonction monotone sur un intervalle est une courbe qui « monte » constamment ou « descend » constamment. Si cet aspect graphique est immédiatement parlant, ce n'est cependant pas la seule forme sous laquelle la propriété de monotonie se révèle : une fonction monotone est une fonction qui a toujours le même effet sur la relation d'ordre. Pour une fonction croissante, l'ordre qui existe entre deux variables se retrouve dans l'ordre de leurs images, pour une fonction décroissante, l'ordre des images est inversé par rapport à l'ordre des antécédents.

Pour une fonction dérivable sur un intervalle, l'étude de la monotonie est liée à l'étude du signe de la dérivée, qui est constant : toujours positif ou toujours négatif.

Définition

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Soient un intervalle de et une fonction à valeurs réelles, dont le domaine de définition contient cet intervalle .

Monotonie au sens large. On dit que est[1] :

  • croissante (ou : croissante au sens large) sur sipour tout couple tels que , on a  ;
  • décroissante (ou : décroissante au sens large) sur sipour tout couple tels que , on a  ;
  • monotone (ou : monotone au sens large) sur si elle est croissante sur ou décroissante sur .

Exemple : pour tout réel , notons ici la partie entière de (c'est l'unique entier relatif tel que ). La fonction est croissante sur mais pas strictement croissante (cf. infra), car elle est constante sur chaque intervalle d'extrémités entières.

Monotonie stricte. On dit que est :

  • strictement croissante sur si pour tout couple tels que , on a ;
  • strictement décroissante sur I sipour tout couple tels que , on a ;
  • strictement monotone sur si elle est strictement croissante sur ou strictement décroissante sur .

Exemples : soit un entier strictement positif.

  • La fonction , est strictement croissante sur .
    En effet, si et sont des réels tels que et , alors . On en déduit par récurrence sur l'entier que pour tout couple de réels positifs ou nuls tels que , on a .
  • Lorsque est impair, la fonction , est strictement croissante sur .
    En effet, elle est strictement croissante sur (cf. l'exemple précédent) et impaire.

Remarque 1 : pour qu'une fonction soit croissante (respectivement strictement croissante) sur , il faut et il suffit que soit décroissante (resp. strictement décroissante) sur .

Remarque 2 : pour qu'une fonction monotone ne le soit pas strictement, il faut (et bien sûr il suffit) que contienne un intervalle non trivial (c'est-à-dire non vide et non réduit à un point) sur lequel est constante[2].

Propriétés élémentaires

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Opérations algébriques

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Soient deux fonctions croissantes sur . Alors :

  • leur somme est croissante ;
  • si elles sont à valeurs positives, leur produit est croissant.

On a une propriété analogue pour les fonctions strictement croissantes.

Composition

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Soient deux fonctions et , où et sont deux intervalles réels tels que ; on peut définir la fonction composée .

Si est monotone sur et monotone sur , alors est monotone sur . Plus précisément :

  • si et sont toutes deux croissantes ou toutes deux décroissantes, alors est croissante ;
  • si l'une des deux fonctions ou est croissante et l'autre décroissante, alors est décroissante.

On a une propriété analogue pour les fonctions strictement monotones.

Injectivité

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Une fonction strictement monotone sur un intervalle est injective, c'est-à-dire que deux éléments de distincts ont des images distinctes. En effet, si sont deux éléments de distincts on a (en supposant par exemple strictement croissante) si alors ,
si alors ,
donc dans les deux cas, et sont distincts.
Cette propriété, associée au théorème des valeurs intermédiaires, se révèle utile pour la recherche du nombre de zéros d'une fonction.

Propriétés relatives à la continuité et aux limites

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Théorème de la limite monotone pour une fonction

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Soient un intervalle ouvert (borné ou non) et une fonction croissante . Alors :

  • admet en tout point de une limite à gauche et une limite à droite, finies, qu'on note respectivement[3] et  ; elles vérifient la double inégalité  ;
  • admet une limite à gauche en , finie ou égale à  ; cette limite est finie si et seulement si est majorée.
  • admet une limite à droite en , finie ou égale à  ; cette limite est finie si et seulement si est minorée.

Un théorème analogue pour les fonctions décroissantes s'en déduit immédiatement en remplaçant par .

Un corollaire de ce théorème est la continuité de toute surjection monotone d'un intervalle sur un intervalle.

Une autre application classique concerne les fonctions de répartition des variables aléatoires réelles.

Points de discontinuité

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Théorème de Froda (1929) : l'ensemble des points de discontinuité d'une fonction monotone est fini ou dénombrable (on dit qu'il est au plus dénombrable). En effet, en notant , la famille de réels strictement positifs est sommable donc au plus dénombrable pour tout inclus dans l'intervalle de monotonie. Froda a en fait démontré que pour une fonction réelle quelconque, l'ensemble des points de discontinuité de première espèce est au plus dénombrable. Or pour une fonction monotone, le théorème de la limite monotone dit exactement que ce type de discontinuité est le seul possible.

Monotonie et signe de la dérivée

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Une utilisation classique et importante du calcul différentiel est la caractérisation, parmi les fonctions dérivables (d'une variable réelle, et à valeurs réelles), de celles qui sont monotones (au sens large ou au sens strict) sur un intervalle.

Théorème — Soient un intervalle réel et une application dérivable.

  1. est :
    • croissante si et seulement si pour tout  ;
    • décroissante si et seulement si pour tout  ;
    • constante si et seulement si pour tout .
  2. est strictement croissante si et seulement si pour tout et de plus l'ensemble des points où la dérivée s'annule est d'intérieur vide (c'est-à-dire qu'il ne contient aucun intervalle non trivial). Un théorème analogue caractérise, parmi les fonctions dérivables, celles qui sont strictement décroissantes.
Remarques
  • Il en résulte qu'une condition suffisante pour qu'une fonction dérivable soit strictement croissante sur est que pour tout . Mais cette condition n'est nullement nécessaire, comme le montrent l'énoncé du théorème et les deux exemples suivants.
  • Ce théorème se généralise aux fonctions continues sur un intervalle mais dérivables seulement sur le complémentaire d'un sous-ensemble dénombrable : cf. Inégalité des accroissements finis.
Exemple 1
La fonction , est strictement croissante sur (cf. Exemples dans le § Monotonie stricte). Le critère ci-dessus permet de le redémontrer :
  • elle est dérivable, et pour tout réel  ;
  • de plus, l'ensemble des points où sa dérivée s'annule est  ; il est d'intérieur vide.
Exemple 2
La fonction , est strictement croissante sur . En effet :
  • elle est dérivable, et pour tout réel  ;
  • de plus, l'ensemble des points où sa dérivée s'annule est , qui est d'intérieur vide (il est même dénombrable).
Exemple 3
La fonction est constante. En effet, les dérivées de et , définies sur , sont opposées l'une de l'autre donc sur est nulle et est constante. Ainsi, pour tout dans (et même dans , par continuité), .

Propriétés liées à la théorie de l'intégration

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Une fonction croissante est dérivable presque partout (on montre d'abord – grâce à l'inégalité maximale de Hardy-Littlewood – que ses quatre dérivées de Dini sont finies presque partout, puis – grâce au théorème de recouvrement de Vitali – qu'elles sont égales[5],[6] ; une autre méthode pour cette seconde étape[7] est de la démontrer dans le cas où la fonction est continue – grâce au lemme du soleil levant – puis de remarquer que toute fonction croissante est somme d'une fonction croissante continue et d'une « fonction de saut » et que cette dernière est presque partout de dérivée nulle).

On en déduit deux corollaires :

Monotonie en topologie

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Une application entre deux espaces topologiques est dite monotone si chacune de ses fibres est connexe c'est-à-dire que pour tout dans l'ensemble (qui peut être vide) est connexe.

Monotonie en analyse fonctionnelle

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En analyse fonctionnelle, un opérateur sur un espace vectoriel topologique (qui peut être non linéaire) est appelé opérateur monotone si

Le théorème de Kachurovskii (en) montre que les dérivées des fonctions convexes sur les espaces de Banach sont des opérateurs monotones.

Monotonie en théorie des ordres

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La théorie des ordres traite des ensembles partiellement ordonnés et des ensembles préordonnés généraux, en plus des intervalles de réels. La définition ci-dessus de la monotonie est également pertinente dans ces cas. Par exemple, considérons une application d'un ensemble ordonné dans un ensemble ordonné .

  • est appelée une application croissante (resp. application strictement croissante) si elle préserve l'ordre (resp. strictement l'ordre), c'est-à-dire que si deux éléments et de vérifient (resp. ), alors leurs images respectives par vérifient (resp. ).
  • est appelée une application décroissante (resp. application strictement décroissante) si elle renverse l'ordre (resp. strictement l'ordre), c'est-à-dire que si deux éléments et de vérifient (resp. ), alors leurs images respectives par vérifient (resp. )

Les applications monotones sont centrales dans la théorie des ordres. Certaines applications monotones remarquables sont les plongements d'ordres (applications pour lesquelles si et seulement si et les isomorphismes d'ordre (les plongements d'ordres qui sont surjectifs).

Notes et références

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  1. N. Bourbaki, Éléments de mathématique : Théorie des ensembles [détail des éditions], p. III.7.
  2. Pour une démonstration, voir par exemple cet exercice corrigé sur Wikiversité.
  3. C. Deschamps, F. Moulin, A. Warusfel et al., Mathématiques tout-en-un MPSI, Dunod, , 4e éd. (lire en ligne), p. 507.
  4. Voir « Dérivée et sens de variation » sur Wikiversité.
  5. (en) Russel A. Gordon, The Integrals of Lebesgue, Denjoy, Perron, and Henstock, AMS, , 395 p. (ISBN 978-0-8218-3805-1, lire en ligne), p. 55-56
  6. (en) Andrew M. Bruckner (en), Judith B. Bruckner et Brian S. Thomson, Real Analysis, , 713 p. (ISBN 978-0-13-458886-5, lire en ligne), p. 269
  7. (en) Terence Tao, An Introduction to Measure Theory, AMS, (lire en ligne), p. 129-135
  8. (en) Norman B. Haaser et Joseph A. Sullivan, Real Analysis, Dover, , 2e éd., 341 p. (ISBN 978-0-486-66509-2, lire en ligne), p. 235-236

Articles connexes

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