Georges Condominas — Wikipédia

Georges Condominas
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Georges Louis CondominasVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Autres informations
A travaillé pour

Georges Condominas (abrégé en « Condo » pour ses intimes et ses étudiants), né le à Hải Phòng et mort le dans le 13e arrondissement de Paris, est un ethnologue français spécialiste de l'Asie du Sud-Est et en particulier des sociétés traditionnelles de cette aire, ainsi que de Madagascar. Il est surtout connu pour ses travaux sur les Mnong notamment via son ouvrage Nous avons mangé la forêt.

Georges Condominas est né le à Haïphong (Tonkin, Indochine française, actuel Viêt Nam) d’un père français et d’une mère métisse luso-sino-vietnamienne. Il meurt à l'hôpital Broca à Paris le alors qu'il avait été hospitalisé depuis quelque temps[1],[2].

Après la guerre, Condominas suit les cours d'André Leroi-Gourhan, Denise Paulme et Marcel Griaule au musée de l'Homme, avec Georges Balandier, Jean Guiart, Paul Rivet et Paul Mercier. Il suit aussi le séminaire de Maurice Leenhardt à l'École pratique des hautes études (Ephe)[3].

Un terrain fondateur : Sar Luk (Viêt Nam)

[modifier | modifier le code]

Il s'embarque pour un premier terrain à vingt-sept ans, en 1948, pour le compte de l'Office de la recherche scientifique coloniale (ORSC), futur Orstom. Il se retrouve à Sar Luk, village de population mnong gar, sur le plateau du Darlac (aujourd’hui province de Đắk Lắk), au centre du Viêt Nam. Il rend compte le plus fidèlement possible de la vie sociale de ce village.

Il résulte du terrain de Sar Luk une œuvre scientifique abondante d'où se dégagent deux livres au fort retentissement :

Le CeDRASEMI

[modifier | modifier le code]

Condominas poursuit sa carrière d'ethnographe à travers plusieurs séjours de recherche entre 1957 et 1960. Il est successivement :

Il est élu en 1960 directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales où il crée en 1962, avec André-Georges Haudricourt et Lucien Bernot, le Centre de documentation et de recherche sur l'Asie du Sud-Est et le monde insulindien (CeDRASEMI). Le centre de documentation est un lieu d'accueil pour de nombreux chercheurs français et internationaux travaillant sur cette aire géographique.

Un engagement total

[modifier | modifier le code]

Pour Georges Condominas l'ethnologie est un genre de vie à part entière qui justifie ses engagements :

L'enseignement de Georges Condominas (et du CeDRASEMI), dans la lignée de celui de André Leroi-Gourhan et Lucien Bernot, a largement fait école. Il y insiste sur la nécessité de la longue durée dans l'observation de terrain et sur celle de la pratique des langues locales, sans interprète, pour la collecte des données, ainsi que sur l'importance de la prise en compte de ce qu'il appelle la « théorie des trois niveaux » : tout observateur doit prendre en compte simultanément la théorie scientifique (vision occidentale), l'ethnoscience (ou ensemble des conceptions indigènes) et les faits bruts, souvent en décalage avec tous les discours. Par ailleurs, il est le créateur du concept d'« ethnocide »[Note 1]. Georges Condominas le définit comme une volonté de détruire ou au moins d'amoindrir la culture d'un peuple minoritaire en vue d'assimilation au peuplement principal ; il est également l'inventeur du concept d'« espace social » défini comme « espace déterminé par l'ensemble des systèmes de relations, caractéristique du groupe considéré » en lieu et place du mot « ethnie », trop vague et inopérant à refléter la complexité de la réalité ethnographique dans de nombreuses sociétés d'Asie du Sud-Est (et ailleurs), sans doute son apport conceptuel le plus important. Il trouvera des applications notamment en sociologie et anthropologie de l'alimentation, où Jean-Pierre Poulain propose le « concept d'espace social alimentaire »[7],[8]. Condominas a enfin proposé le concept de « technologie rituelle » exprimant la réelle symbiose entre technologie, croyances et rites dans la plupart des sociétés traditionnelles (sur l'apport méthodologique de Georges Condominas à l'ethnologie et l'anthropologie sociale[9].

Une œuvre reconnue à travers le monde

[modifier | modifier le code]

Le rayonnement de l'œuvre de Condominas dépasse l'Hexagone. Ancien vice-président de l'Union internationale des sciences anthropologiques et ethnologiques, il est plusieurs fois visiting professor aux universités Columbia et Yale entre 1963 et 1969 puis Fellow du Center for Advanced Studies in the Behavioral Sciences de Palo Alto en 1971. En 1972, à Toronto, il est le premier ethnologue étranger invité à prononcer le discours inaugural ou distinguished lecture de l'American Anthropological Association (AAA). Au Japon, il est considéré comme un maître de l'ethnologie et il est le premier étranger à prononcer un discours au 50e anniversaire du Nihon Minzoku Gakkai (Association japonaise d’ethnologie) à Tokyo en 1983. Il est également invité à l'université nationale australienne en 1987 et à l'université japonaise de Sophia en 1992.

Georges Condominas est aussi l'ami des écrivains et des poètes. Georges Pérec lui rend hommage dans un très beau texte intitulé Anagrammes de Georges Condominas[10]. Admirateur de Chateaubriand, il convainc Garnier-Flammarion de rééditer la Vie de Rancé et en rédige la postface[11].

Sa consécration auprès du grand public vient avec l'exposition Nous avons mangé la forêt… : Georges Condominas au Viêt Nam du au à l'occasion de l'inauguration du musée du quai Branly, reprise l'année suivante à Hanoï avec un catalogue spécifique bilingue. À cette occasion, la médiathèque du musée du quai Branly acquiert un fonds important d'archives, de livres et de photographies de Georges Condominas qui sont désormais à la disposition des chercheurs.

Publications

[modifier | modifier le code]
Auteur
Directeur
En collaboration
  • (en) The primitive life of Vietnam's mountain people. in Natural history, juin-, 1966, p. 13-20. ISSN 0028-0712.
  • (en) « Ethics and comfort : An ethnographer’s view of his profession », Annual Report of the American Anthropological Association (Distinguished Lecture 1972 of the AAA), April, p. 1-17, 1973.
  • « Pour une définition anthropologique du concept d’espace social », p. 5-54 in « Espace social et analyse des sociétés en Asie du Sud-Est », ASEMI, VIII (2), 1977.
  • « Propos sur la complexité des problèmes de l’Asie du Sud-Est », Hérodote, 21, p. 14-30, 1981.
  • « Aînés, anciens et ancêtres en Asie du Sud-Est : entretiens de Nicole Benoît-Lapierre avec Georges Condominas », Communications, 37, p. 55-67, 1983.
  • G. Condominas et Yves Goudineau. « La contestation ethnologique. » Cahiers des Sciences humaines (Paris) : Trente Ans, 1993, vol. 1993, p. 37-49. ISSN 0768-9829.
  • Hugues Tertrais. « Georges Condominas. L'ethnologie comme mode de vie. » La lettre de l'AFRASE, , 1996, no 38.
  • Les pratiques alimentaires : un patrimoine culturel à sauvegarder, in Poulain Jean Pierre (coord.), Pratiques alimentaires et identités culturelles, Les Études Vietnamiennes, 3-4, 1997, no 125-126.
  • « La guérilla viêt. Trait culturel majeur et pérenne de l’espace social vietnamien », L'Homme, 164, n.s. « Histoire, littérature et ethnologie », p. 17-36, 2002.
  • « L'espace social, à l'articulation du social et du biologique », in « Lettre scientifique de l'Institut français pour la nutrition », no 89 (« Pour une socio-anthropologie de l’alimentation »), , p. 2-4. [PDF] [lire en ligne].
  • « Entretien avec Yves Goudineau Recherche et sauvegarde du patrimoine immatériel », 2003, Udaya (Phnom Penh, APSARA), 4, p. 69-81.
  • (en) Researching and Safeguarding the Intangible Heritage, (transcription and annotation), Museum International, 56:1-2 p. 21-31, 2004.

Discographie

[modifier | modifier le code]
  • Georges Condominas ; Musique mnong gar du Vietnam (anthologie de musique proto-indochinoise, vol. 1), Paris, OCORA, 1974, 33 tours, texte de G. Condominas, 10 p. en français et en anglais, notes et bibliog., 12 photos noir et blanc, 1 photo couleur, 1 carte (Musée de l’Homme collection, OCORA OCR 80/ ORTF). [Enregistrement sonore]
  • Georges Condominas, Jacques Dournes et Geneviève Thibault. Viêt Nam : Musiques des Montagnards. Le chant du Monde ; Arles : Harmonia Mundi, 1997. [Enregistrement sonore].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Le concept par la suite été popularisé en France par Robert Jaulin.
  2. Cet ouvrage réunit les textes des interventions au séminaire EHESS de Georges Condominas (1973-1983). Cf. compte rendu de lecture de Jérôme Rousseau, Anthropology Departement McGill University, Montréal (Québec), Canada, (Revue scientifique Anthropologie et Sociétés (d)).

Références

[modifier | modifier le code]
  1. Yves Goudineau (d), « Hommage à Georges Condominas », sur Réseau Asie et Pacifique (d) / Le Monde, (version du sur Internet Archive).
  2. [vidéo] Georges Condominas : L'enfant des quatre vents, Pierre Descargues (auteur), François Luxereau (réalisateur) (, 45 minutes), CNRS AV / Ups CNRS images (d), consulté le .
  3. [vidéo] Inscription nécessaire Georges Condominas (), CNRS AV / Ups CNRS images, consulté le .
  4. Les Lettres nouvelles.
  5. France-Observateur.
  6. Clément Solym, « Décès de Georges Condominas, le Proust de l'ethnologie », sur ActuaLitté, (consulté le ).
  7. Jean-Pierre Poulain, Sociologies de l'alimentation, les mangeurs et l'espace social alimentaire, Paris, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2-13-078626-9).
  8. Jean-Pierre Poulain, Dictionnaire des cultures alimentaires, Paris, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2-13-078613-9), pages 521-528 et 357-382.
  9. Richard Pottier, « Hommage à Georges Condominas », sur Réseau Asie et Pacifique, (version du sur Internet Archive).
  10. Jacques Dournes, Orients : pour Georges Condominas.
  11. Chateaubriand (postface G. Condominas, choix des variantes, bibliographie et chronologie), Vie de Rancé, Paris, Flammarion, coll. « G.F. (ISSN 0768-0465), no 667 » (réimpr. 1998, 2003, 2011 et 2018) (1re éd. 1991), 279 p., 18 cm (ISBN 978-2-0814-3765-4, OCLC 1067862704, BNF 35483624, SUDOC 002480026, présentation en ligne). [compte rendu] d'Yves Laberge.

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Paul Lévy, « Les Mnong Gar du centre Viêt Nam et Georges Condominas. Note critique », in L’Homme, vol. 9, no 1, 1969, p. 78-91 Persée doi : 10.3406/hom.1969.367023 (accès libre)
  • Chistian Taillard, « L'espace social: système de relations. Note sur la contribution de Georges Condominas », in ASEMI (Asie du Sud-Est et monde insulindien), vol. 8, no 2, 1977, p. 179-182.
  • Jean Lallier, L'exotique est quotidien (vidéo), Les Films d'ici (coll. Terre humaine), 52‘, 1996, ISAN|0000-0001-9EBE-0000-40000-0000-P
  • Taos Aït Si Slimane, « Georges Condominas, signataire du Manifeste des 121 », Site Fabrique de sens, 18 septembre 2005
  • Charles Macdonald, « Georges Condominas », in Pierre Bonte et Michel Izard (dir.), Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, PUF, Paris, 2002, p. 773-774 (ISBN 978-2-13-050687-4),(article absent dans la 1re éd. 1991)
  • Yves Goudineau et Jérémy Jammes (photographies de Georges Condominas et Hoang Canh Duong), « Nous avons mangé la forêt…» : Georges Condominas au Viêt Nam (Catalogue de l'exposition, - , Musée du quai Branly), Musée du quai Branly et Actes Sud, 2006, 128 p. (ISBN 2-915133-16-6) Musée du quai Branly et (ISBN 2-7427-6145-4) Actes Sud
  • Régis-François Stauder, De la bibliothèque du chercheur à la bibliothèque de recherche : le fonds Condominas à la médiathèque du musée du quai Branly, mémoire d'étude de conservateur des bibliothèques (dir. Odile Grandet), enssib, 2008, 111 p.
  • Xuân Xuân Pottier (sous la dir. de) : Le fils des quatre vents, recueil d'hommages à Georges Condominas, Paris, L'Harmattan, 2011, 262 p: (ISBN 978-2-296-56105-2)
  • Jean Baffie, « Georges Condominas (1921-2011). La passion de l'ethnologie », Moussons, Recherche en sciences humaines sur l'Asie du Sud-Est, 18 (2), p. 5-10, 2011.
  • Gallenga, G., Graves, J.M. : La méthode condo, Héritages et actualités de l'expérience. Indes savantes, 2017. (ISBN 978-2-84654-418-4)
Hommages collectifs

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]