Grand prêtre de Ptah — Wikipédia
Le grand prêtre de Ptah a occupé une place essentielle dans l'administration de l'Égypte antique. Nommé par Pharaon lui-même, il le remplaçait dans l'accomplissement des rites sacrés et quotidiens qui se déroulaient dans les temples et se trouvait à la tête des clergés de la région memphite.
Il dirigeait également l'un des plus importants sanctuaires du pays ayant sous ses ordres toute une armée de fonctionnaires chargés de gérer les propriétés du domaine du dieu Ptah qui à la fin du Nouvel Empire représentait encore le troisième domaine divin du Double-Pays après ceux des dieux Amon de Thèbes et de Rê d'Héliopolis.
Origines
[modifier | modifier le code]Les grands prêtres de Ptah portaient le titre de :
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abrégé en :
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(our kherepou hemout en transcription), c'est-à-dire « Le plus grand des chefs des artisans » ou « Le plus grand des directeurs des artisans ».
Ce titre apparu à l'Ancien Empire, trouverait ses origines à la IIIe dynastie, pendant laquelle on assiste à une multiplication des titres honorifiques des hauts personnages de l'État, multiplication qui évolue parallèlement à la consolidation du pouvoir royal. Ainsi, un certain Khâbaousokar dont on a retrouvé le mastaba à Saqqarah portait le titre de « Directeur d'artisans spécialisés », ce qui ferait de lui l'un des prêtres du clergé memphite les plus anciens dont on ait conservé la trace, bien qu'il se trouvât sous l'autorité du grand prêtre, qui reste inconnu jusqu'à présent pour cette période. À moins que le pontificat memphite n'ait pris sa forme définitive au cours de la IVe dynastie. En effet, les premières mentions de son existence remontent au règne de Mykérinos au cours duquel les prêtres de Ptah semblent prendre de plus en plus d'importance à la cour de Pharaon[1].
On pourrait y voir cette fois une évolution parallèle au développement de l'architecture et des arts en raison des commandes royales et de celles de la cour qui souhaitait rejoindre son souverain y compris dans l'au-delà. Les nécropoles de Saqqarah et de Gizeh étaient déjà des centres de production artistique en pleine croissance à cette période, nécessitant une administration bien établie afin de gérer l'ensemble de ces chantiers qui se succédaient au rythme des règnes glorieux de souverains divins.
Les grands prêtres de Memphis dirigeaient cette administration, contrôlaient ces chantiers, et d'eux dépendaient l'exécution des statues, stèles fausse-porte, sarcophages et autres décorations des tombeaux. Le premier et le plus élevé de leurs titres était d'ailleurs celui de plus grand chef (ou directeur) des artisans dans la double maison du grand château de Ptah.
Fonction et rôle
[modifier | modifier le code]Le rôle de ces grands prêtres ne cessera donc de croître sous les IVe et Ve dynasties et il est attesté que la fonction était alors dédoublée[2], car plusieurs grands prêtres semblent avoir partagé ce pontificat jusqu'au début de la VIe dynastie avec le pharaon Pépi Ier sous le règne duquel le grand prêtre Sabou Tjéty déclare être le premier à exercer seul la charge de grand prêtre de Ptah, sur ordre de son souverain[3].
Ils jouissaient en plus d'un pouvoir considérable en étant placés à la tête du clergé de Ptah, donc de Memphis ville de la royauté par excellence. Ils étaient chargés par délégation royale d'assurer le culte quotidien du dieu dans son grand temple et leurs titres secondaires indiquent en effet de nombreuses fonctions cléricales dans les différents sanctuaires de la capitale et de l'ensemble de la région, dont la rive occidentale se couvrait de nécropoles et de temples, chapelles de cultes et autres aires sacrées.
Ils assuraient la direction de la maison de Sokaris le dieu des nécropoles et étaient gouverneurs de tous les domaines du temple de Ptah, ces mêmes domaines qui participaient à l'alimentation de tout ce peuple d'artisans et de prêtres.
On notera également qu'à la Ve dynastie, ils occupaient la prêtrise du dieu Rê dans les temples solaires que les souverains Ouserkaf, Sahourê, Néferirkarê Kakaï, Néferefrê, Niouserrê et Menkaouhor édifièrent.
Un autre insigne caractéristique de leur fonction et de leur rang était le port d'un grand collier en métal précieux à la forme géométrique caractéristique, dont l'une des extrémités était décorée d'une tête de chacal munie de deux bras levés en signe d'adoration et l'autre d'une tête de faucon, rappels probables des divinités des nécropoles memphites Oupouaout et Sokaris. Le grand papyrus Harris qui conserve les annales du règne de Ramsès III nous apprend que le roi pour l'occasion de l'intronisation du grand prêtre de Ptah a fait confectionner un tel collier pour lequel deux debens d'or ont été nécessaires[4].
Ils occupaient un rôle essentiel à la royauté en étant chargé d'organiser les principales étapes de la royauté, tels le couronnement du roi ou encore le jubilé censé sanctionner ses trente premières années de règne, la fête du Heb-Sed, dont ils présidaient les cérémonies au cœur de l'antique Memphis. Ils participaient ainsi aux grandes cérémonies rituelles et accompagnaient Pharaon lors de ces grandes fêtes du royaume, guidant ces pèlerinages officiels ou ces cérémonies. De ce fait, ils étaient très liés à la famille royale et procédaient eux-mêmes au couronnement du roi qui, sauf exception dans l'histoire de l'Égypte, se déroulait traditionnellement au cœur du temple de Ptah.
Ils occupaient d'autres charges cléricales prestigieuses tel que le rôle officiel de prêtre Sem endossant pour la circonstance la peau de panthère et portant sur leur coiffe la natte des fils royaux dont le titre leur était souvent attribué à titre honorifique lorsqu'ils n'étaient pas de fait un des héritiers de la couronne[5]. Ils étaient également à la tête du clergé de Sokaris et présidaient au culte de l’Apis de son vivant ainsi qu'aux rites funéraires liés à son décès au Sérapéum de Saqqarah.
Comme souvent, cette charge deviendra héréditaire à certaines périodes, créant de fait de véritables dynasties de prêtres qui se transmettaient leur charge de père en fils[6].
Principaux grands prêtres de Ptah
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- Cf. C. Maystre, Ch. XIII Les inscriptions de l'Ancien Empire ; § 1. Le tombeau de Debehen p. 223-225.
- Cf. C. Maystre, Ch. III, § 20, La raison de l'existence simultanée de deux grands prêtres, p. 55-56 ; le fait est également attesté pour la charge de grand des voyants, c'est-à-dire grand prêtre d'Héliopolis, sur la pierre de Palerme. Voir J.H. Breasted, § 165 ; p. 71.
- Cf. J.H. Breasted, § 287-288, p. 133 et C. Maystre Ch. IV La réforme du pontificat sous la VIe dynastie, p. 61-69.
- C’est-à-dire deux cents grammes d'or ; cf. P. Grandet, Memphis, Discours aux dieux de Memphis Liste C, 52a, 9, p. 294.
- Comme ce fut le cas par exemple pour Thoutmôsis, fils d'Amenhotep III, Khâemouaset, fils de Ramsès II, ou son homonyme, cette fois fils de Ramsès III, ou encore Sheshonq, fils d'Osorkon II
- Notamment à la période ptolémaïque
- Il s'agit du Ptahshepses I de l'ouvrage ; cf. M. A. Murray, Ch. X, § 51-54 et pl. XXVI et XXVII
- L'auteur classe ce grand prêtre comme étant Ptahshepses II ; cf. M. A. Murray, Ch. X, § 55-61 et pl. XXVIII
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Paul Pierret, Musée National du Louvre : Catalogue de la salle égyptienne suivi d'un glossaire, Éditeur des Musées Nationaux, ;
- Gaston Maspero, Les mastabas de l'Ancien Empire : Fragment du dernier ouvrage de A. Mariette, publié d'après le manuscrit de l'auteur, F. Vieweg, librairie-éditeur, ;
- Margatet Alice Murray, Saqqara Mastabas, Part 1 : Egyptian research account : Tenth year 1904, Londres, Bernard Quaritch, 15, Piccadilly, W., (présentation en ligne, lire en ligne) ;
- James Henry Breasted, Ancient Records of Egypt : The First Through the Seventeenth Dynasties, vol. 1, University of Illinois Press, ;
- Jan Quaegebeur, Studies on ptolemaic Memphis, Louvain, Studia Hellenistica - Édition W. Peremans, ;
- Charles Maystre, Les Grands prêtres de Ptah de Memphis, Freiburg, Orbis biblicus et orientalis - Universitätsverlag,
- Pierre Grandet, Le Papyrus Harris I, vol. 1 et 2, Le Caire, IFAO,
- Frédéric Payraudeau, L'Égypte et la Vallée du Nil : Les époques tardives, t. 3, Paris, PUF, coll. « Nouvelle Clio », , 624 p. (ISBN 978-2130591368)
- Michel Dessoudeix, Chronique de l'Égypte ancienne : Les pharaons, leur règne, leurs contemporains, Arles, Actes Sud, , 780 p. (ISBN 978-2-7427-7612-2)