Bouddhisme en Inde — Wikipédia

Expansion et courants du bouddhisme.

Le bouddhisme en Inde est une religion minoritaire dans ce pays qui en est pourtant le berceau. Lors du recensement de 2011[Note 1], il y avait 8,4 millions bouddhistes, soit 0,7 % de la population de la population indienne. En 1951, ils étaient 2,67 millions. Mais si le nombre de bouddhistes en 2011 a triplé par rapport à 1951, le pourcentage de la population indienne qui est bouddhiste n'a pas changé: il était déjà de 0,7 % en 1961, et ce pourcentage est resté identique lors des recensements décennaux effectués entre ces deux dates[1],[Note 2].

Le bouddhisme est né en Inde du Nord, au VIe ou Ve siècle av. J.-C.[2], dans la région du Magadha (aujourd'hui au Bihar), sous l'impulsion de Siddhartha Gautama, (le Bouddha, « éveillé » en sanskrit[3]). Depuis cette région, il se diffuse d'abord vers le sud du sous-continent indien, jusqu'au Sri Lanka, et gagne plus tard aussi le nord-ouest de l'Inde, puis l'Asie centrale et l'Asie de l'Est.

Il s'organise et se développe autour d'une importante communauté de moines qui suivent le Bouddha et forment le sangha. Au IIIe siècle av. J.-C., l'empereur Ashoka (dynastie des Maurya) se convertit au bouddhisme, qui connaît alors une grande prospérité. Toutefois, tôt après la mort du Bouddha, le sangha a commencé à se diviser en plusieurs écoles. Progressivement deux grandes branches émergent — les Mahasamghika et les Sthaviravāda — tout en coexistant avec d'autres courants[4]. Au tournant de notre ère, une nouvelle branche apparaît en Inde, le Mahāyāna, qui va gagner les régions de l'Himalaya et d'Asie de l'Est. Parallèlement, au Sri Lanka, un autre courant se constitue, le Theravāda, qui lui va se répandre en Asie du Sud-Est.

Le bouddhisme va encore s'épanouir et gagner en importance en Inde sous la dynastie Gupta (320 à 540). Mais bientôt, entre le VIIe et le XIIIe siècle de notre ère, le bouddhisme recule jusqu'à disparaître presque presque totalement de son pays d'origine. Plusieurs facteurs ont sans doute joué: l'hostilité de l'hindouisme à son égard, les vagues d'invasions musulmanes; mais aussi l'indifférence et de l'assoupissement progressif du sangha ainsi qu'un manque de rigueur progressif dans la pratique religieuse[5],[6],[7],[8]. Notons toutefois, qu'au moment où le bouddhisme déclinait en Inde, le monachisme bouddhique commença à s'implanter, à partir du VIIIe siècle, au Tibet où il devint l'axe central de la culture tibétaine pendant un millénaire[9] La pratique du bouddhisme est plus courante dans les régions de l'Himalaya comme le Ladakh, l'Arunachal Pradesh et le Sikkim.

Il faudra attendre le milieu du XXe siècle pour que le bouddhisme recommence à se diffuser dans le pays — en particulier grâce à la conversion au bouddhisme, sous l'impulsion de B. R. Ambedkar, de centaines de milliers d'hindous hors-caste (dalits)[10]). Toutefois, il n'a pas pour autant retrouvé sa place d'antan et reste une religion géographiquement et sociologiquement marginale[11].

Développement du bouddhisme en Inde

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Expansion du bouddhisme à l’époque du roi Ashoka (260–218 av. J.-C.).

La période durant laquelle vit Siddhartha Gautama, appelé après son éveil « Bouddha », voit non seulement les débuts de l'urbanisation de l'Inde, mais aussi ceux des États centralisés[12]. La réussite de l’expansion du bouddhisme est liée à la croissance économique de l’époque, ainsi qu'a l'organisation politique des royaumes, qui grâce aux débuts de la centralisation peuvent amener des changements au sein de la société civile[13].

Le bouddhisme se propage à travers les Indes antiques et bénéficie d'un soutien étatique de la part de divers régimes régionaux. Ce soutien se poursuit durant tout le 1er millénaire ap. J.-C.[14]. La consolidation de l’organisation monastique met le bouddhisme au centre de la vie religieuse et intellectuelle des Indes[15].

L'empereur Ashoka accède au pouvoir en 273 av. J.-C.. Il s'efforce tout d'abord de consolider puis d'agrandir l'empire hérité de son père Bindusâra. À la suite de la conquête meurtrière du Kalinga, il adopte les principes non-violents (ahimsa) du bouddhisme. Il s'emploie à organiser son empire, qui s'étend de l'actuel Afghanistan jusqu'au Bengale et aussi loin vers le sud que le plateau de Mysore, grâce à un corps important de fonctionnaires et une police efficace ainsi qu'au travers d'édits gravés sur des rochers ou des colonnes dispersés dans tout le pays. Il interdit les sacrifices, promeut le végétarisme et encourage la diffusion du bouddhisme en Inde et dans toute l'Asie.

Pushyamitra, le premier souverain de la dynastie Shunga, construit de grands stupa bouddhistes à Sânchî en 188 av. J.-C.[16]. La dynastie des Kanva, qui succède aux Shunga, voit quatre rois bouddhistes monter sur le trône[16].

Déclin du bouddhisme en Inde

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Expansion du sultanat de Delhi

Le déclin du bouddhisme en Inde a plusieurs causes, parmi lesquelles on peut mentionner les conflits sectaires au sein du bouddhisme, la perte du soutien public et royal, l'évolution de la situation socio-politique, le développement de religions indiennes concurrentes telles que l’hindouisme et le jaïnisme, les vagues d'invasions par des peuples venant d'Asie centrale qui touchent les Indes, notamment les invasions des Huns blancs à la fin du Ve siècle.

Le bouddhisme, ainsi déjà affaibli, disparaît de la quasi-totalité du sous-continent vers 1200 avec la conquête musulmane des Indes et ne subsiste que dans les régions himalayennes, le sud des Indes et sur l'ile de Ceylan[17].

Renaissance du bouddhisme en Inde

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Temple de la Mahābodhi à Bodhgayā.
(Classé patrimoine mondial de l'UNESCO.)

Anagarika Dharmapala et la Société de la Maha Bodhi

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Conversions

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Bouddhisme tibétain

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Depuis le soulèvement tibétain de 1959 et la fuite du dalaï-lama en Inde, le monachisme du bouddhisme tibétain a fait l'objet de persécutions constantes au Tibet par les dirigeants communistes, et il survit dans la diaspora tibétaine notamment en Inde[9].

Le dalaï-lama est rejoint en 1959 par nombre de lama des différentes écoles du bouddhisme tibétain, ce qui entraîne un renouveau du bouddhisme en Inde. Le dalaï-lama s'engagea dans la sensibilisation de la communauté internationale sur le sort du peuple tibétain. Il fonde la Bibliothèque des archives et des œuvres tibétaines pour la sauvegarde de la culture tibétaine. Des Occidentaux comme Arnaud Desjardins, Matthieu Ricard, Stephen Batchelor, Lama Denys ou encore Glenn H. Mullin, Nicholas Vreeland, entre autres, viennent en Inde et au Népal rechercher cette culture. On doit noter la générosité de l'Inde dans l’accueil des réfugiés tibétains[18], où ils sont près de 100 000.

Notes et références

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  1. Le dernier dont les chiffres sont disponibles.
  2. Éric Paul Meyer relève aussi que « le bouddhisme représente aujourd'hui moins de 1 % de la population indienne, dont une écrasante majorité de nouveaux convertis, concentrés surtout dans l'arrière-pays de Bombay. S'y ajoutent les bouddhistes tibétains des vallées du Cachemire et les réfugiés Chakma — des bouddhistes theravada ayant fui les persécutions qu'ils subissaient au Bangladesh » (in « Bouddhisme. Nul n'est prophète en son pays », L'Histoire, no 437,‎ , p. 17-23.) .

Références

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  1. (en) Pew Research center, « Religious Composition of India », sur pewresearch.org, (consulté le )
  2. d
  3. (en) Monier Monier-Williams, Sanskrit-English Dictionary, OUP (lire en ligne).
  4. (en) Akira HIRAKAWA, transl. from Japanese by Paul Groner, A history of Indian Buddhism: from Śākyamuni to early Mahāyāna. Reprint published by Motilal Banarsidass Publ., 1993 [1979], p. 2. [lire en ligne (page consultée le 9 septembre 2024)]
  5. Devapriya T. Valisinha, « Le Bouddhisme en Inde » in Belval 1987, p. 444 + 447
  6. Filliozat 1996, p. 508 (§ 2233)
  7. (en) Peter Harvey, An Introduction to Buddhism : Teachings, History and Practices, Cambridge University Press, , 194–195 p. (ISBN 978-0-521-85942-4, lire en ligne).
  8. (en) Wendy Doniger, Merriam-Webster's Encyclopedia of World Religions, Merriam-Webster, , 155–157 p. (ISBN 978-0-87779-044-0, lire en ligne).
  9. a et b (en) William M. Johnston, Encyclopedia of Monasticism: A-L, Taylor & Francis, (ISBN 978-1-57958-090-2, lire en ligne)
  10. The New York times guide to essential knowledge: a desk reference for the curious mind. Macmillan 2004, page 513.
  11. Éric Paul Meyer, « Bouddhisme. Un berceau indien mais une religion planétaire », dans Catherine Clémentin-Ojha, Denis Matringe, Christophe Jaffrelot, Jacques Pouchepadass (Dir.), Dictionnaire de l'Inde, Paris, Larousse, , 479 p. (ISBN 978-2-035-83784-4), p. 134-140
  12. Randall Collins, The Sociology of Philosophies. A Global Theory of Intellectual Change. Harvard, Harvard University Press, 2000, p. 205. [lire en ligne (page consultée le 9 septembre 2024)]
  13. Richard Gombrich, A Global Theory of Intellectual Change. Harvard University Press, 2000, page 184.
  14. Randall Collins, The Sociology of Philosophies: A Global Theory of Intellectual Change. Harvard University Press, 2000, page 182.
  15. Randall Collins, The Sociology of Philosophies: A Global Theory of Intellectual Change. Harvard University Press, 2000, page 208.[1].
  16. a et b Sir Roper Lethbridge, History of India, 1875, p. 53
  17. (en) Randall COLLINS, THE SOCIOLOGY OF PHILOSOPHIES, Harvard University Press, , 184–185 p. (ISBN 978-0-674-02977-4, lire en ligne).
  18. Alain Grosrey, Le grand livre du bouddhisme, Albin Michel, 2007, p. 245-246.

Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • René de Berval (Dir.), Présence du bouddhisme, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires », , 816 p. (ISBN 978-2-070-70516-0). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
    Rééd. Gallimard, coll. TEL, 2008, 563 p. (ISBN 978-2-070-12012-3) (sans les nombreuses illustrations et les annexes, d'où le nombre moindre de pages de cette édition).
  • (en) Diwan Chand Ahir, Buddhism in Modern India, Delhi, Sri Satguru Publications, , xiv+ 201 p. (ISBN 978-8-170-30254-4)
  • (en) Diwan Chand Ahir (Ed.), A panorama of Indian Buddhism : selections from the Maha Bodhi Journal (1892-1992), Delhi, Sri Satguru Publications, , xxiv + 623 p. (ISBN 8-170-30462-8)
  • (en) Diwan Chand Ahir, Buddhism declined in India : How and why?, Delhi, B. R. Publishing, , 139 p. (ISBN 978-8-176-46447-5)
  • (en) Diwan Chand Ahir, Buddhism in India: Rediscovery, Revival and Development, Delhi, Buddhist World Press, , xii + 296 p. (ISBN 978-8-190-82126-1)
  • Jean Filliozat, « Le bouddhisme », dans Louis Renou et Jean Filliozat, L'Inde classique. Manuel des études indiennes, vol. II, Paris, École Française d'Extrême-Orient, (1re éd. 1953), 756 p. (ISBN 978-2-855-39560-9), p. 313-608 (§ 1929 - 2386; en particulier les § 2213-2215, « L'histoire du bouddhisme »). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Akira HIRAKAWA, (transl. from Japanes by Paul Groner) A History of Indian Buddhism, from Shakyamuni to Early Mahayana, Honolulu, University of Hawaii Press, 1990 [1975], xvii + 402 p. [lire en ligne (page consultée le 9 septembre 2024)] Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Hendrik Kern, Histoire du bouddhisme dans l'Inde , trad. du néerlandais par Gédéon Huet, Paris, Ernest Leroux, 2 vol. (1901 - 1903) [Lire en ligne le vol. 1 (page consultée le 9 septembre 2024)] / [Lire en ligne le vol. 21 (page consultée le 9 septembre 2024)]
  • Étienne Lamotte, Histoire du bouddhisme indien. Des origines à l'ère Saka, Louvain-La-Neuve, Institut Orientaliste, 1958, 862 p. (Existe également en traduction anglaise, que l'on peut [lire en ligne (page consultée le 9 septembre 2024)])

Articles connexes

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Lien externe

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