Immunodéficience — Wikipédia

Un déficit immunitaire, une immunodéficience (IMD) ou une immunodépression, sont une situation pathologique liée à l'insuffisance d'une ou de plusieurs fonctions immunologiques. On parle aussi de « dysfonctionnement immunitaire ». La pandémie de SIDA est à l'origine d'une augmentation du nombre de cas d'immunodépression (en Afrique du Sud notamment). Dans les pays riches, dont en France, le nombre de patients immunodéprimés ou « immunosupprimés » est également en hausse régulière, d’une part en raison de l’amélioration du pronostic global du cancer, et d’autre part de l’utilisation croissante d’immunosuppresseurs pour d’autres maladies (auto-immunes), ainsi qu’en raison d’un nombre croissant de transplantations d’organes. Ces patients ont comme première cause d’admission en réanimation des infections sévères (atteintes respiratoires le plus souvent). Le déficit immunitaire est dit « primitif » quand le patient le présente dès sa naissance ou l’a acquis dans l’enfance, il est dit « secondaire » quand il survient à la prise de médicaments immunodépresseurs ou immunosuppresseurs ou pour d’autres raisons[1]. Dans un organisme immunodéprimé, le risque est accru de voir plusieurs souches d'un pathogène se recombiner génétiquement pour faire émerger un pathogène nouveau.

Causes d'immunodéficience

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On distingue l'immunodéficience d'origine génétique, ou immunodéficience innée, dont un des cas extrêmes est représenté par les enfants-bulles, et l’immunodéficience acquise dont l'exemple le plus connu est celui du SIDA. Au-delà de sa nature innée ou acquise, l'immunodéficience peut se manifester à des degrés divers.

Les déficits immunitaires peuvent être de type congénital, ou même héréditaire, souvent alors décelés chez l'enfant ou le jeune adulte, ou de type acquis (décelable à tout âge). Une dépression immunitaire peut aussi être induite par certaines formes ou niveaux de stress[2] (sujet traité par la psycho-immunologie, ou encore par la production d'endotoxine lors de certaines infections [3] ; de nombreux parasites, microbes ou virus disposent de moyens de diminuer ou contourner l'immunité, ce qui leur permet de mieux coloniser l'organisme qu'ils infectent).

Lorsque l'immunodéficience est innée, elle a alors souvent une origine génétique. Certains acteurs de la défense immunitaire ne sont pas fabriqués correctement en raison d'une anomalie du gène qui code cette information. Ce manque s'exprime par un mauvais fonctionnement de la moelle osseuse, chargée de la fabrication des cellules de l'immunité. Ainsi, par exemple, la moelle osseuse d'un enfant atteint d'une telle immunodéficience ne pourra pas fabriquer de phagocytes ou de lymphocytes B (donc pas d'anticorps) ou lymphocyte T. Il ne possède donc pas les éléments nécessaires pour se défendre contre les infections.

L'immunodéficience innée signifie que le système immunitaire est incapable de lutter efficacement contre les microbes. La moindre infection peut donc être fatale et c'est pourquoi certains patients, comme les enfants-bulles, atteints d'immunodéficience innée, vivent dans une « bulle » stérile qui les maintient à l'abri des microbes.

Il est parfois possible de corriger une immunodéficience innée grâce à une greffe de moelle osseuse.

Classification médicale

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Les déficits immunitaires sont classés en fonction de leur place dans l'organisation physiologique de l'immunologie.

Déficits immunitaires (héréditaire)

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Déficits immunitaires spécifiques

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Déficits combinés

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Autres déficits immunitaires constitutionnels

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Certains déficits échappent à la classification.

Il en est ainsi de la candidose cutanéo-muqueuse chronique, de l'acrodermatitis enteropathica, du syndrome à Hyper IgE, et de certains déficits fonctionnels du système immunitaire combinés à d'autres malformations, notamment dans le cadre du développement osseux (Nanisme).

Déficits en protéines du complément

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Le système du complément est très complexe, avec des réactions en cascade de nombreuses protéines à action enzymatique et qui concourt à la lyse cellulaire, en collaboration avec le système immunitaire spécifique.

Chaque protéine du complément peut exprimer un déficit, génétique, autosomal récessif.

Ces déficits ont comme manifestations cliniques des infections à répétitions et des maladies auto-immunes, type LED (Lupus érythémateux disséminé)

Déficits de l'activité du macrophage et du polynucléaire

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Il s'agit des déficits de la phagocytose et de la bactéricidie, notamment :

Déficits immunitaires acquis

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Un grand nombre de situations pathologiques ou de blessures (chez le grand brûlé par exemple[4]) s'accompagnent d'un dysfonctionnement du système immunitaire, générateur d'infections à répétition. Il est difficile de les citer toutes, et nous devons nous contenter de faire état des situations les plus spécifiques.

Agents infectieux

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Anomalies thymiques

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Hémopathies malignes

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Intoxications

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  • Drogues récréatives ou non : héroïne, cocaïne, ecstasy, etc.
  • Antipsychotiques : administration de un ou plusieurs médicaments à la fois. On parle également de iatrogénie médicamenteuse.

Sarcoïdose

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La sarcoïdose est une maladie non maligne du système lymphoïde qui s'accompagne d'un déficit de l'immunité cellulaire.

Déficits immunitaires iatrogènes

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Un grand nombre de thérapeutiques ont comme effet secondaire l'apparition d'un déficit immunitaire plus ou moins sévère, on peut citer entre autres la banale et fréquente corticothérapie, mais aussi les traitements du cancer (radiothérapie, chimiothérapie). Sur le même principe, l'irradiation accidentelle peut être responsable d'une immunodéficience en cas de doses importantes.

Le traitement immunosuppresseur, notamment pour lutter contre le rejet de greffe, mais aussi les maladies auto-immunes, dont la sclérose en plaques.

Cause alimentaire

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Conséquences

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Une immunodéficience favorise d'une part le développement de micro-organismes ordinairement non pathogènes, responsables alors de maladies dites opportunistes, ainsi que le développement plus fréquent et plus grave d'infections à germes pathogènes (agent infectieux responsable d'une maladie infectieuse), et d'autre part permet dans certains cas l'apparition de cancers, dont le développement résulte de la multiplication anarchique de cellules cancéreuses normalement éliminées entre autres par les cellules NK chez les personnes immunocompétentes.

Dans un organisme immunitairement déprimé des germes habituellement non pathogènes pour l'homme et provenant par exemple de l'air, de l'eau[10], du sol ou des aliments peuvent aussi provoquer des infections sévères, dites « infections opportunistes ». Il existe alors aussi un risque accru de recombinaison génétique entre souches (de microorganismes infectieux, bactériennes ou virales notamment) plus ou moins proches, avec émergence possible de nouveaux pathogènes[11] (y compris à partir d'un virus atténué utilisé dans certains vaccins)[12],[13].

Un déficit immunitaire peut être à l'origine de difficultés de cicatrisation[14] et/ou d'autres pathologies, notamment de tumeurs, tumeurs malignes, cancer ou leucémie.

Médicaments utilisés pour lutter contre l'immunodéficience

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Certaines interleukines, interférons et facteurs de croissance (les facteurs de croissance sont des molécules qui ordonnent aux cellules de l'organisme de se reproduire) sont utilisés, dans ce cas des facteurs de croissance stimulant le développement des leucocytes).[réf. nécessaire]

Des agents hématopoïétiques comme le filgrastim (Neupogen) peuvent être administrés afin de corriger une neutropénie, notamment chez les patients sous une chimiothérapie qui diminue la production de globules blancs, dans des cas de neutropénie chronique grave ou chez des personnes recevant certains médicaments contre le VIH[15],[16].

Une transfusion de leucocytes (globules blancs) peut être réalisée dans des cas très particuliers.

Notes et références

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  1. G. Dumas, N. Bigé, V. Lemiale et E. Azoulay, « Patients immunodéprimés, quel pathogène pour quel déficit immunitaire ? (en dehors de l’infection à VIH) », Médecine Intensive Réanimation, vol. 27, no 4,‎ , p. 344–366 (ISSN 2496-6142, DOI 10.3166/rea-2018-0056, lire en ligne, consulté le ).
  2. Andreoli A, Taban C & Garrone G (1989) Stress, dépression, immunité : nouvelles perspectives de recherche dans le domaine de la psycho-immunologie. In Annales médico-psychologiques (Vol. 147, No. 1, pp. 35-46). Elsevier.
  3. Echinard, C., & Vescovali, C. (1991). L’immunité du grand brûlé. Annals of the MBC, 4(1).
  4. Echinard, C., Vescovali, C., David, M. F., Bernard, D., & Rolland, P. H. (1989). Cinétique et physiopathologie de la dépression immunitaire après brûlure grave. Étude expérimentale. Bénéfice de l'excision précoce. Rôle des prostaglandines. In Annales de chirurgie plastique et esthétique (Vol. 34, No. 1, pp. 30-37). Elsevier Masson.
  5. « Institut Curie - Les cancers de l'enfant » (consulté le )
  6. [PDF] Dénutrition, une pathologie méconnue en société d'abondance Programme national nutrition santé - Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé (secteur santé), Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme (SFNEP), p. 18[17].
  7. [PDF] Malnutrition et infection Corrigé au QCM no 3 : santé mère-enfant, médecine interne dans les pays en développement - Site de l'Institut de la francophonie pour la médecine tropicale (AUF) p. 4
  8. Malnutrition et infection par le VIH Par Ph. Chevalier - Alimentation, nutrition et agriculture - Sur le site des documents de la FAO.
  9. [PDF] Malnutrition infantile sévère et conséquences Par les Drs Amphone et Tung - Cas clinique - Hôpital Mahosot, service de pédiatrie (Vientiane, Laos) - p. 17.
  10. Leclerc, H. (2003). Y a-t-il des infections bactériennes opportunistes transmises par les eaux d'alimentation?. Journal européen d’hydrologie, 34(1), 11-44.
  11. (en) A. Morris, M. Marsden, K. Halcrow et E. S. Hughes, « Mosaic Structure of the Human Immunodeficiency Virus Type 1 Genome Infecting Lymphoid Cells and the Brain : Evidence for Frequent In Vivo Recombination Events in the Evolution of Regional Populations », Journal of Virology, vol. 73, no 10,‎ , p. 8720–8731 (ISSN 0022-538X et 1098-5514, DOI 10.1128/JVI.73.10.8720-8731.1999, lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) Björn R. Gundlach, Mark G. Lewis, Sieghart Sopper, Tanja Schnell, Joseph Sodroski, Christiane Stahl-Hennig et Klaus Überla, « Evidence for Recombination of Live, Attenuated Immunodeficiency Virus Vaccine with Challenge Virus to a More Virulent Strain », Journal of Virology, vol. 74, no 8,‎ (PMID 10729127, PMCID PMC111861, DOI 10.1128/jvi.74.8.3537-3542.2000, lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) Chen-Fu Yang, Hour-Young Chen, Jaume Jorba et Hui-Chih Sun, « Intratypic Recombination among Lineages of Type 1 Vaccine-Derived Poliovirus Emerging during Chronic Infection of an Immunodeficient Patient », Journal of Virology, vol. 79, no 20,‎ , p. 12623–12634 (ISSN 0022-538X et 1098-5514, PMID 16188964, PMCID PMC1235840, DOI 10.1128/JVI.79.20.12623-12634.2005, lire en ligne, consulté le ).
  14. Wassermann D & Gaucher S. (2004). Physiopathologie des problèmes métaboliques des brûlés. Brûlures, 5(1), 10-21 (résumé).
  15. Deglin, J. H., & Vallerand, A. H. (2008). Guide des médicaments. 3e éd. Saint-Laurent, QC: ERPI
  16. Médicaments : Neupogen, Canoë Santé - MediResource.

Bibliographie

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  • Hématologie. - Najman Albert ; Verdy E. ; Potron G. ; Isnard F. - Édition Marketing. 32 Rue Barque 75015 Paris.
  • Hématologie clinique. - Maxwell M. Wintrobe et Coll. - Éditions médicales internationales. Allée de la Croix Bossée 94264 Cachan Cedex
  • Bouchaud O (1996) Diarrhées des états de dépression immunitaire : Diarrhées infectieuses. La Revue du praticien, 46(2), 206-212.
  • Billy, C., & Perronne, C. (2002). Maladie tuberculeuse : Dépression immunitaire et tuberculose. La Revue du praticien, 52(19), 2139-2143 (résumé).
  • Echinard, C., & Vescovali, C. (1991). L’immunité du grand brûlé. Annals of the MBC, 4(1).

Articles connexes

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Liens externes

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