Jane Boleyn — Wikipédia

Jane Boleyn
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Famille
Boleyn family (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Mère
Alice St. John (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Margaret Shelton (d)
Henry Parker (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Lieu de détention

Jane Boleyn dite Lady Rochford (vers 1505 - ), vicomtesse Rochford, fut la belle-sœur de la reine consort d'Angleterre Anne Boleyn. Elle fut exécutée avec Catherine Howard sur ordre d'Henry VIII à la Tour de Londres.

Enfance et mariage

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Née Jane Parker, elle était la fille de Henry Parker, 10e baron de Morley et de Alice St John (†1552), la fille aînée de sir John St John de Bletsoe. Sa famille était riche et puissante, elle faisait partie de la haute société anglaise et était active sur le plan politique. Son père était un intellectuel, qui manifestait un vif intérêt pour l’éducation et la culture.

Femme inconnue en robe Tudor.

Elle est envoyée à la cour une fois adolescente, et y rejoint la maison de la reine Catherine d'Aragon, épouse du roi Henri VIII d'Angleterre[1]. Elle apparaît pour la première fois à la cour d'Angleterre en 1522, quand elle joue un rôle dans la reconstitution de l’assaut du Château Vert, que le roi Henri VIII donne pour impressionner des ambassadeurs[2]. On ne possède pas de description physique ni de portrait d'elle, on peut néanmoins supposer qu’elle était belle, car elle avait été choisie pour jouer l'un des principaux rôles, la Constance, l’une des sept Vertus, au côté de la sœur du roi, Marie Tudor[3] et de ses futures belles-sœurs Anne Boleyn et Mary Boleyn[4]. Dans sa biographie, Julia Fox considère que le dessin de Hans Holbein « Unknown woman in Tudor dress » est une des meilleures représentation de Lady Rochford[5].

Fin 1526[2], elle épouse George Boleyn, vicomte de Rochefort, frère de la future épouse d'Henri VIII d'Angleterre, Anne Boleyn. À cette époque, cependant, cette dernière n’a pas encore noué de relation avec le roi, bien qu’elle soit déjà une figure incontournable de la noble société anglaise[6].

La signature de Lady Rochford
Signature de Lady Rochford.

En cadeau de mariage, le roi offre à Jane et George le manoir de Grimston dans le Norfolk[7]. Puisqu’elle était devenue par mariage Vicomtesse Rochford, elle est connue à la Cour, et ensuite par les historiens sous le nom de « Lady Rochford ». Alors que la richesse et l’influence de la famille augmentent, le couple obtient comme résidence le palais de Beaulieu en 1531[8].

Le mariage de George et Jane est généralement décrit comme malheureux. L'historienne Retha M. Warnicke suggère que George est peut-être homosexuel ou bisexuel ce qui expliquerait les difficultés de leur relation conjugale[9]. Selon l'écrivain George Cavendish, proche du Cardinal Thomas Wolsey, George Boleyn était particulièrement gâté par la nature, il avait de la grâce, de nombreuses aptitudes et qualités naturelles mais il vivait "de façon bestiale, forçant les veuves, déflorant les vierges", il était lubrique et avide de toutes les femmes[10].

La nature exacte de ses rapports avec sa royale belle-sœur est cependant peu claire, et nous ne possédons aucun témoignage fiable de ce qu’elle pensait de son autre belle-sœur Mary, qui vivait comme elle à la Cour depuis son adolescence. On pense fréquemment que Jane n’était pas particulièrement proche d’Anne, en raison de sa supposée jalousie. L'historienne américaine Retha M. Warnicke écrit qu'Anne Boleyn, belle sœur de Jane, était « la parfaite dame de Cour… Son maintien était gracieux et ses habits à la mode française étaient ravissants et d’un grand style, elle dansait avec aisance, avait une charmante voix chantante, jouait du luth et de plusieurs autres instruments, et parlait couramment français. Une jeune fille noble, intelligente et vive, qui engageait la conversation et divertissait ses interlocuteurs… En bref, son énergie et sa vitalité faisaient d’elle le centre de l’attention générale, en toutes circonstances. »[6] Toutes ces qualités fondent la légende selon laquelle Jane la hait instantanément ; cependant, quand bien même cela eût été vrai, elle n’en montra rien. D'ailleurs, Jane complota avec Anne Boleyn pour faire bannir de la Cour une des jeunes maîtresses du Roi, en 1534[11]. Quand Henry découvrit qu’elle était impliquée dans l’affaire, lady Rochford fut exilée pendant quelques mois[12]. Pour l'historienne Julia Fox « Jane et Anne sont devenues assez proches avec le temps, comme le prouvent les confidences d'Anne »[13].

Rôle dans l'exécution d'Anne et George Boleyn

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Anne Boleyn à la Tour de Londres.

Après onze ans de mariage, Anne et George Boleyn sont arrêtés en mai 1536 et emprisonné à la Tour de Londres, Anne est accusée d'adultère, d'inceste et de haute trahison, George est accusé d’avoir eu des relations sexuelles avec sa sœur, la Reine. D'après la biographie d'Henry VIII rédigée au XVIIe siècle par Lord Herbert of Cherbury (qui s'appuie sur le journal disparu d'un témoin du procès), Lady Rochford a été « un instrument particulier dans la mort de la Reine Anne »[14] et, par conséquent, dans l'inculpation et la condamnation de son mari. La déclaration qu'elle fait six ans plus tard sur l'échafaud confirme son implication : « Dieu a permis que je subisse ce sort honteux pour me punir d'avoir contribué à la mort de mon mari. Je l'ai faussement accusé d'aimer, de manière incestueuse, sa sœur, la reine Anne Boleyn. Pour cela, je mérite de mourir. Mais je ne suis coupable d'aucun autre crime »[15]. Elle affirma en effet croire que lui et sa sœur Anne avaient une relation incestueuse depuis l’hiver 1535[réf. nécessaire], ce qui sous-entendait que George aurait été le père biologique du fœtus que la Reine avait perdu plus tôt en 1536. Ces rumeurs étaient infondées, d’après la grande majorité des témoins de l’époque, mais elles apportaient un prétexte légal à Cromwell et aux ennemis des Boleyn pour conduire lord Rochford et sa sœur Anne à l’échafaud.

George Wyatt, premier biographe d'Anne Boleyn, décrit Jane comme étant une « méchante femme, délatrice de son propre époux » et qui souhaite sa mort[16]. À sa suite, des générations d’historiens ont pensé que le témoignage de Jane contre George et Anne Boleyn était plus motivé par sa rancune envers une belle-sœur plus brillante, et un mari qui préférait la compagnie de cette dernière à celle de son épouse[17], que par une réelle conviction de leur culpabilité[18]. Pourtant, d'après John Spelman, l'un des juges au procès d'Anne, « l'affaire a été révélée par une femme nommée » Lady Wingfield, sur son lit de mort[19] et, à en croire l'un des membres de la cour du Roi, les « premières accusatrices » d'Anne Boleyn furent « Lady Worcester, Nan Cobham, et une autre dame de compagnie mais Lady Worcester fut la première »[20].

Pour l'historienne Alison Weir, le témoignage de Jane est motivé par la nécessité de « sauver sa peau » en se désolidarisant radicalement du clan Boleyn auquel elle était intimement liée et éviter ainsi d'être emportée par le « maelstrom de leur destruction ». Il est également possible que Cromwell, conscient de la situation précaire de Jane, ne lui ait pas laissé d'autre choix que de coopérer pour « sauvegarder son cou »[21].

George Boleyn est décapité à Tower Hill, le , devant une foule immense. Ses dernières paroles sont surtout destinées à affirmer sa nouvelle foi protestante. Sir Henry Norris, Sir Francis Weston, Sir William Brereton et Mark Smeaton, musicien à la cour, sont exécutés avec lui, également accusés d'avoir été amants d'Anne[22]. Seul Mark Smeaton avoue ce crime, après avoir été sauvagement torturé. Les autres, étant aristocrates, ne pouvaient être soumis à la question[23].

Exécution d'Anne Boleyn.

Anne meurt deux jours après, décapitée par un bourreau français de Calais[24], dans l'enceinte de la Tour de Londres. L'historienne Julia Fox décrit la mort d'Anne comme « son ultime performance »[25]. Son courage sur l'échafaud est beaucoup commenté, contribuant à la légende qu'elle va devenir. On ignore si Jane assiste à l'exécution de son époux ou de sa belle-sœur, mais la compassion posthume largement éprouvée envers Anne contribue à donner le mauvais rôle à tous ceux qui ont contribué à sa chute[26].

Bien que l'implication de Jane soit réelle dans la chute des Boleyn, la période qui s'ensuit est extrêmement difficile pour elle, tant socialement que financièrement. Les terres que les Boleyn ont peu à peu obtenues pendant le règne d'Anne et les quatre générations précédentes, y compris les titres de Comte de Wiltshire et Comte d'Ormond, se transmettent uniquement par la lignée mâle. Tout est donc perdu à la mort de George. Jane continue de porter le titre de Vicomtesse Rochford, mais faute de fils elle ne peut pas vraiment profiter de ce qu'il reste de la fortune des Boleyn[25].

L'exécution de George et Anne prive également Jane de source de revenu et de sa position à la cour. Elle dépend dès lors du bon vouloir de son beau-père, Thomas Boleyn, à respecter les conditions de sa jointure et se voit contrainte de « mendier une aide financière » auprès de Cromwell[15]. C'est donc un vrai désastre pour Lady Rochford, qui apparait comme une victime collatérale de la chute de la famille Boleyn aux yeux de l'historienne Charlie Fenton, et en aucun cas une complice[27].

Après l'exécution de son époux, Lady Rochford s'absenta de la Cour. Pendant cette période, elle passa la majorité de son temps à tenter de stabiliser sa situation financière, notamment en négociant avec son père et son beau-père, mais principalement avec Thomas Cromwell, le principal ministre du Roi. Les Boleyns lui allouèrent la confortable pension de 100 £, exactement ce qu'ils avaient accordé à leur fille aînée Mary quand elle était devenue veuve huit ans plus tôt[28]. Cela n'était pas ce qu'elle avait quand elle était la belle-sœur de la Reine, mais c'était assez pour lui permettre de maintenir le niveau de vie moyen de la haute société anglaise, essentiel pour qu'elle puisse paraître à la Cour, ce à quoi elle travailla activement de 1536 à 1537. On ignore la date précise de son retour à la Cour, mais elle y fut dame d'honneur de la Reine Jeanne Seymour, ce qui signifie que c'était environ un an après la mort de son époux (Seymour mourut dix-huit mois après être devenue reine)[29]. Son titre de vicomtesse l'autorisait à être accompagnée d'une partie de ses serviteurs, de vivre au palais, et d'être appelée « Lady Rochford ». Des repas fins lui étaient fournis chaque jour, payés par la maison de la reine[30].

Quand Jane Seymour mourut, le Roi se remaria avec une princesse allemande, Anne de Clèves. Lady Rochford aida le Roi à divorcer d'elle, en , en affirmant que la Reine lui avait confié que le mariage n'avait jamais été consommé. Henry put ainsi obtenir l'annulation du sacrement, et épouser sa jeune maîtresse, Catherine Howard.

Lady Rochford conserva son poste de dame d'honneur de la nouvelle reine, et exerça sur elle une influence considérable, devenant l'une de ses favorites. Quand la petite reine se lassa de son vieil époux obèse, ce fut Lady Rochford qui participa à l'organisation des rendez-vous secrets entre Catherine et le séduisant courtisan Thomas Culpeper.

Catherine Howard avoua plus tard ne pas avoir été chaste avant son mariage, mais on ignore si sa relation avec Culpepper fut consommée. Le passé de Catherine fut dévoilé au grand jour à l'automne 1541, et une enquête sur sa vie privée fut diligentée. Au début, la Reine fut confinée dans ses appartements, puis enfermée à l'abbaye de Syon, un couvent éloigné de la Cour. On interrogea les proches de Catherine, et leurs appartements furent fouillés. La plupart des servantes et des dames d'honneur mentionnèrent la conduite suspecte de Lady Rochford vis-à-vis de Catherine et Culpepper, ce qui mena à l'arrestation de Jane. On découvrit par la suite une lettre d'amour écrite par Catherine, et adressée à Culpepper, qui faisait explicitement part du rôle de la vicomtesse dans leur rendez-vous. Aider la reine à commettre un adultère était un crime passible de la peine de mort dans l'Angleterre des Tudor. Jane fut emprisonnée à la Tour de Londres pendant plusieurs mois, alors que le gouvernement statuait sur comment et quand décider du sort des accusées.

Déchéance et exécution

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Pendant son incarcération à la Tour, elle fut interrogée de nombreuses fois, mais, étant noble, elle ne fut pas torturée. Cependant, soumise à une intense pression psychologique, elle semble avoir souffert d'une profonde dépression nerveuse, et elle fut déclarée folle au début de l'année 1542[31]. Ses crises d'hystérie empêchaient toute poursuite pour complicité d'adultère dirigée contre elle. Mais, déterminé à ce qu'elle soit châtiée, le roi édicta une loi permettant l'exécution des fous[32][réf. incomplète].

Jane fut donc condamnée à mort par décret, sans procès, et la date d'exécution fut fixée de , le même jour que Catherine Howard.

La Reine mourut d'abord, alors qu'elle était dans un état physique très faible, mais assez calme. Jane, qui avait assisté à la mort de la jeune fille sur l'échafaud, fit ensuite un discours avant de s'agenouiller devant le billot. Malgré sa dépression ayant duré les cinq mois précédents, elle était digne et posée, et le comportement des deux femmes face à la mort fut unanimement loué. Ottwell Johnson, un marchand ayant assisté à l'exécution, écrivit que leurs « esprits devaient être auprès de Dieu, car elles eurent la plus chrétienne des fins[33] ». L'ambassadeur français Marillac témoigna que Jane avait fait un « long discours »; Johnson dit qu'elle s'excusa pour ses « nombreux péchés », mais son récit ne corrobore pas la légende qui affirma par la suite qu'elle avait parlé du sort de son époux ou de sa belle-sœur.

Elle fut décapitée d'un seul coup, enterrée dans la chapelle de la Tour de Londres auprès de Catherine Howard, à côté des corps de Anne Boleyn et de George Boleyn.

Arbre généalogique

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Notes et références

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  1. (en) Charlie Fenton, Chronos Crime Chronicles - Jane Parker: The Downfall Of Two Tudor Queens?, John Hunt Publishing, (ISBN 978-1-78904-444-7, lire en ligne).
  2. a et b Catharine Davies, « Boleyn, Jane, Viscountess Rochford (d. 1542) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, septembre 2004 (édition en ligne : janvier 2008).
  3. (en) AMY LICENCE, The Six Wives & Many Mistresses of Henry VIII, Gloucestershire, Amberley Publishing, (ISBN 9781445633671)
  4. Fox 2007, p. 37.
  5. Fox 2007, Appendix, p. 337-338.
  6. a et b (en) R. M. Warnicke, The Rise and Fall of Anne Boleyn: Family politics at the court of Henry VIII, 1989, p. 59.
  7. Alison Weir, The Six Wives of Henry VIII, p.159
  8. Weir 2011, Chapitre 5.
  9. (en) R.M. Warnicke, The Rise and Fall of Anne Boleyn: Family politics at the court of Henry VIII, 1989, p. 215-217
  10. (en) Samuel Weller Singer New York Public Library, The Life of Cardinal Wolsey and Metrical Visions from the Original Autograph ..., C. Whittingham, (lire en ligne)
  11. Weir 2010, Chapitre 5.
  12. Norton 2011, Chapitre 13.
  13. Fox 2007, p. 98.
  14. Edward Herbert Herbert of Cherbury, Autobiography and History of England under Henry VIII., (lire en ligne), p. 655
  15. a et b Weir 2010, Chapitre 14.
  16. (en) George Wyat, Extracts from the life of the virtuous, christian, and renowned Queen Anne Boleigne., London, Privately printed, , 30 p. (lire en ligne), p. 22
  17. (en) Elizabeth Benger, Memoirs of the Life of Anne Boleyn, Queen of Henry VIII, Philadelphia, A. Hart, , 342 p. (lire en ligne), p. 289
  18. (en) P. Heylin, Affairs of Church and State in England during the Life and Reign of Queen Mary, 1660, p. 91-93.
  19. Yves 2004, Chapitre 22.
  20. Weir 2010, Chapitre 4.
  21. Weir 2010, chapitre 5.
  22. Weir 2010, Chapitre 12.
  23. (en) David Starkey, Six Wives: The Queens of Henry VIII, 2004, p. 569.
  24. Yves 2004, Chapitre 23.
  25. a et b Fox 2007, p. 214.
  26. Fox, Jane Boleyn, p. 324
  27. Fenton 2021, Chapitre 6.
  28. Fox, Jane Boleyn, p. 218
  29. Fox, Jane Boleyn, p. 219
  30. Fox, Jane Boleyn, p. 228
  31. (en) A. Weir, Henry VIII: King & Court, 2002, p. 455-456.
  32. (en) Calendar of State Papers: Spanish
  33. Original Letters, ed. Ellis, 1st series II, p. 128-9 (LP XVII, 106.)

Bibliographie

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  • (en) Julia Fox, The True Story of the Infamous Lady Rochford, New-York, Ballantine Books, , 394 p. (ISBN 978-0-345-50463-0)
  • (en) Alison Weir, Mary Boleyn: The Mistress of Kings, The Random House Publishing Group, , 364 p. (ISBN 978-0-7710-8923-7)
  • (en) Elizabeth Norton, Anne Boleyn: Henry VIII's Obsession, Gloucestershire, Amberley Publishing, , 232 p. (ISBN 9781445606637)
  • (en) Alison Weir, The Lady in the Tower, London, Jonathan Cape, , 432 p. (ISBN 978-0-345-51978-8)
  • (en) Eric Yves, The Life and Death of Anne Boleyn, Oxford, Blackwell Publishing Ltd, , 480 p. (ISBN 0-631-23479-9)
  • (en) Charlie Fenton, Jane Parker: The Downfall of Two Tudor Queens?, St Alresford, Hampshire, UK, Chronos Books, , 80 p. (ISBN 978 1 78904 443 0, lire en ligne)