Le Temps des cerises — Wikipédia

Le Temps des cerises
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Forme
Œuvre poétique mise en musique (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Genre

Le Temps des cerises est une chanson dont les paroles sont écrites en par Jean Baptiste Clément et la musique composée par Antoine Renard en [1].

Bien que lui étant antérieure, cette chanson est néanmoins fortement associée à la Commune de Paris de , l'auteur étant lui-même un communard ayant combattu pendant la Semaine sanglante.

Jean Baptiste Clément écrit cette chanson en , lors d'un voyage vers la Belgique. Sur la route des Flandres, il fait une halte à Conchy-Saint-Nicaise, dans la maison située près de l'estaminet du lieu-dit de la poste. La maison entourée de cerisiers anciens inspire alors l'auteur.

Jean Baptiste Clément, parolier du Temps des cerises.
Antoine Renard, compositeur du Temps des cerises.

Des années plus tard, en 1882[2], Jean Baptiste Clément dédie sa chanson à une ambulancière rencontrée lors de la Semaine sanglante, alors qu'il combattait en compagnie d'une vingtaine d'hommes dont Eugène Varlin, Charles Ferdinand Gambon et Théophile Ferré[3] : « À la vaillante citoyenne Louise, l'ambulancière de la rue de la Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871. » À la fin des paroles, il explicite cette dédicace :

« Puisque cette chanson a couru les rues, j'ai tenu à la dédier, à titre de souvenir et de sympathie, à une vaillante fille qui, elle aussi, a couru les rues à une époque où il fallait un grand dévouement et un fier courage ! Le fait suivant est de ceux qu'on n'oublie jamais : Le dimanche, 28 mai 1871 […]. Entre onze heures et midi, nous vîmes venir à nous une jeune fille de vingt à vingt-deux ans qui tenait un panier à la main. […] Malgré notre refus motivé de la garder avec nous, elle insista et ne voulut pas nous quitter. Du reste, cinq minutes plus tard, elle nous était utile. Deux de nos camarades tombaient, frappés, l'un, d'une balle dans l'épaule, l'autre au milieu du front… »

« Nous sûmes seulement qu'elle s'appelait Louise et qu'elle était ouvrière. Naturellement, elle devait être avec les révoltés et les las-de-vivre. Qu'est-elle devenue ? A-t-elle été, avec tant d'autres, fusillée par les Versaillais ? N'était-ce pas à cette héroïne obscure que je devais dédier la chanson la plus populaire de toutes celles que contient ce volume[4] ? »

Dans La Commune Histoire et souvenirs (1898), Louise Michel rappelle cette dédicace en indiquant indirectement qu’elle n’est pas la Louise du Temps des cerises :

« Au moment où vont partir leurs derniers coups, une jeune fille venant de la barricade de la rue Saint-Maur arrive, leur offrant ses services : ils voulaient l'éloigner de cet endroit de mort, elle resta malgré eux. Quelques instants après, la barricade jetant en une formidable explosion tout ce qui lui restait de mitraille mourut dans cette décharge énorme, que nous entendîmes de Satory, ceux qui étaient prisonniers ; à l'ambulancière de la dernière barricade et de la dernière heure, J.-B. Clément dédia longtemps après la chanson des cerises. Personne ne la revit. […] La Commune était morte, ensevelissant avec elle des milliers de héros inconnus[5]. »


Tombeau de Jean Baptiste Clément.

La chanson n'a pas été créée durant la Commune[6], mais une raison stylistique explique cette assimilation du Temps des cerises au souvenir de la Commune de Paris : son texte suffisamment imprécis qui parle d'une « plaie ouverte », d'un « souvenir que je garde au cœur », de « cerises d'amour […] tombant […] en gouttes de sang ». Ces mots peuvent aussi bien évoquer une révolution qui a échoué qu'un amour perdu – évoqué, semble-t-il, à travers le souvenir d'une défloration. On est tenté de voir là une métaphore poétique évoquant de manière indirecte une révolution : dans cette interprétation, les cerises représenteraient les impacts de balles ; balles auxquelles il serait fait allusion à travers l'image des « belles » qu'il vaut mieux éviter… La coïncidence chronologique fait aussi que la Semaine sanglante fin se déroule justement durant la saison (le temps) des cerises. Mais le simple examen de la date de composition (1866) montre qu'il s'agit là d'une extrapolation postérieure. Il s'agit, en fait, d'une chanson évoquant simplement le printemps et l'amour (particulièrement un chagrin d'amour, évoqué dans la dernière strophe). Les cerises renvoient aussi au sucre et à l'été, et donc à un contexte joyeux voire festif. Ainsi la chanson véhicule-t-elle à la fois une certaine nostalgie et une certaine idée de gaîté[6].

Interprètes

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Le Temps des cerises est l’une des chansons les plus enregistrées en France, sinon la chanson la plus enregistrée, et ceci dès les débuts, vers 1895, de l’industrie phonographique. Martin Pénet, dans un recensement incomplet, cite plus de 90 interprétations différentes gravées sur cylindres et sur disques entre 1898 et 1997[7]. Entre autres, elle figure sous le n° 957 dans le catalogue de 1899 des cylindres Lioret[8] et interprété par Maréchal dans le catalogue 1898 des cylindres Pathé[9].

Parmi les très nombreux interprètes du Temps des cerises :

Léo Ferré, à la fin de sa rencontre du avec Jacques Brel et Georges Brassens, a soumis à ceux-ci l'idée de donner ensemble un concert à l'occasion d'une cause commune. Chacun y aurait chanté en alternance quelques-uns de ses succès et, à la fin du concert, les trois artistes se seraient réunis pour interpréter Le Temps des cerises en se tenant par la main. L'idée ne s'est jamais concrétisée, peut-être parce que Jacques Brel avait déjà quitté la scène en promettant de ne jamais y revenir.

Dans la culture populaire

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« J'aimerai toujours le temps des cerises 1871-2021. » Commémoration de la Commune le à Paris.
  • En 1936, Jacques Prévert fait une allusion parodique à cette chanson dans le poème antimilitariste Le Temps des noyaux présent dans le recueil Paroles.
  • En 1939, dans le film La Fin du jour de Julien Duvivier avec Michel Simon et Louis Jouvet, la chanson est interprétée par l'une des pensionnaires de la maison de retraite Saint-Jean-La-Rivière. Il s'agit d'Odette Talazac.
  • Dans le film Casque d'or réalisé par Jacques Becker, sorti en 1952, on peut entendre l'air du Temps des cerises au moment du meurtre de Leca.
  • Bernard Grande parodie la chanson dans Le Temps des crises, sur le même air.
  • Luc Romann chante Du temps des cerises aux feuilles mortes.
  • Serge Utgé-Royo chante Sur le temps des cerises, sur le même air (album Contrechants… de ma mémoire, vol.3, 2008).
  • En 1969, Georges Brassens fait une allusion au Temps des cerises (« […] en toute saison ») dans ses chansons Bécassine et Le boulevard du temps qui passe.
  • Dans leur premier album en 1972, Michel Fugain et le Big Bazar composent et interprètent une chanson-hommage : Les Cerises de Monsieur Clément (paroles de Maurice Vidalin).
  • En 1973 Martine Sarcey (Jeanne Fortier) interprète Le Temps des cerises dans la mini-série télévisée La porteuse de pain.
  • En 1976, l'écrivaine catalane Montserrat Roig publie le roman El temps de les cireres dont le titre est inspiré directement de la chanson.
  • Le ministre Lionel Jospin l'interprète en direct dans une émission de variétés à la télévision française publique en 1984.
  • En 1985, Jean Ferrat fait allusion au Temps des cerises dans sa chanson Les Cerisiers où il explique pourquoi il est demeuré fidèle au mouvement communiste : « […] / Ah qu'il vienne au moins le temps des cerises / Avant de claquer sur mon tambourin […] ».
  • Dans l'album Putain de camion, sorti en 1988, Renaud l'évoque dans la chanson Rouge-Gorge : « [...] / Chante, rouge-gorge, Les temps des cerises / Savigny-sur-Orge paraîtra moins grise [...] »
  • Dans un album des Femmes en blanc, des pêcheurs amènent à l'hôpital une sirène blessée. Lorsqu'elle se fait opérer, elle chante Le Temps des cerises, attirant tout homme l'écoutant pour le mordre. Le docteur Minet s'y fait prendre deux fois.
  • Le Parti communiste de Bohême et Moravie, créé en 1989, a intégré deux cerises dans son logo, inspirées par la chanson.
  • Dans le film d'animation japonais Porco Rosso de 1992 par Hayao Miyazaki, studios Ghibli, le héros écoute Gina, la femme qu'il aime, interpréter cette chanson dans un cabaret pour aviateurs vétérans de la guerre de 1914-1918. Dans la version originale, elle est chantée par la chanteuse japonaise Katō Tokiko.
  • En 1998, dans l'album Assassins sans couteaux de Juliette Noureddine, on peut entendre un piano jouer les premières mesures de cette chanson à la fin du quatrième titre, L'Étoile rouge.
  • En 1999, dans Juha, film muet finlandais d'Aki Kaurismäki, la chanson est interprétée en français.
  • En 2008, elle est interprétée dans le film United Red Army de Kenji Wakamatsu.
  • En 2016, elle est interprétée par une chorale scolaire dans le film Cigarettes et Chocolat chaud.
  • En 2019, l'Union communiste libertaire prend comme symbole le merle moqueur de la chanson[26].

Interprétations particulières

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Mélodie en tonalité de Do établie d'après plusieurs documents anciens.

Dans différents documents anciens la mélodie est en diverses tonalités avec diverses variantes mineures.


\relative c'{
   \clef treble
   \key d \minor
   \time 6/8
     r4 c8 f f f f4 f8 g g g g
     g g a a a a4 a8 bes bes bes bes
     r a a a bes a4. ( g4. ) f8 r
     f bes bes bes bes4 bes8 bes d bes bes a 
     a a a a c4 a8 a g f g2. ~ g8 r
     c,8 f f f f4 f8 g g g g
     g g a a a c4 a8 a g f f2. ~ f8 r
}
\addlyrics {
  \lyricmode {
    Quand nous chan -- te -- rons le temps des ce -- ri -- ses,
    Et gai ros -- si -- gnol et mer -- le mo -- queur
    Se -- ront tous en fê -- te.
    Les bel -- les au -- ront la fo -- lie en tê -- te,
    Et les a -- mou -- reux, du so -- leil au cœur.
    Quand nous chan -- te -- rons le temps des ce -- ri -- ses,
    Sif -- fle -- ra bien mieux le mer -- le mo -- queur.
 }
}
\midi {
  \context {
    \Score
    tempoWholesPerMinute = #(ly:make-moment 40 2)
  }
}

Sur les autres projets Wikimedia :

Quand nous chanterons le temps des cerises[28],

Et gai rossignol et merle moqueur

Seront tous en fête.

Les belles auront la folie en tête

Et les amoureux du soleil au cœur.

Quand nous chanterons le temps des cerises,

Sifflera bien mieux le merle moqueur.


Mais il est bien court le temps des cerises,

Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant

Des pendants d'oreilles,

Cerises d'amour aux roses pareilles

Tombant sous la feuille en gouttes de sang.

Mais il est bien court le temps des cerises,

Pendants de corail qu'on cueille en rêvant.


Quand vous en serez au temps des cerises,

Si vous avez peur des chagrins d'amour

Évitez les belles.

Moi qui ne crains pas les peines cruelles,

Je ne vivrai[29] point sans souffrir un jour.

Quand vous en serez au temps des cerises,

Vous aurez aussi des peines[30] d'amour.


J'aimerai toujours le temps des cerises :

C'est de ce temps-là que je garde au cœur

Une plaie ouverte,

Et Dame Fortune, en m'étant offerte,

Ne pourra jamais fermer[31] ma douleur.

J'aimerai toujours le temps des cerises

Et le souvenir que je garde au cœur.

Notes et références

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  1. Jean-Claude Klein, Florilège de la Chanson française, Paris, Bordas, 1989.
  2. « Le Temps des cerises », sur maldoror.org via Wikiwix (consulté le ).
  3. « Louise... », dans Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871 : Les acteurs, les évènements, les lieux, Éditions de l'Atelier, coll. « Maitron », , 1437 p. (ISBN 978-2-7082-4596-9), p. 827.
  4. Jean Baptiste Clément (Source : BNF, département Littérature et art, 8-Ye-1791 - sur Gallica (voir lire en ligne)), Chansons : (5e édition), C. Marpon et E. Flammarion (Paris), , 358 p. (lire en ligne), p. 243-245).
  5. Louise Michel (BNF, 8-R-14638 - sur Gallica), La Commune, Edition sociologique – n° 22 – Stock, , 427 p. (lire en ligne), IVe partie L'Hécatombe, chap. 1 (« La lutte dans Paris - L’égorgement »), p. 279 (milieu)-280.
  6. a et b « On aimera toujours Le Temps des cerises », sur L'Express, .
  7. Martin Pénet, Mémoire de la chanson : 1100 chansons du Moyen Âge à 1919, Omnibus, , p. 531 et 532.
  8. Henri Lioret Répertoire des cylindres enregistrés, 1899, page 19.
  9. Gilbert Humbert, Panorama des cylindres et premiers disques Pathé 1898-1910, chez l’auteur à Fuveau 13710, , page 20
  10. Vanni Marcoux en 1895
  11. Catalogue numérique de disques 1934, Cie Française du Gramophone « La Voix de son Maitre ».
  12. Par Jean Lumière sur Youtube.
  13. Par Yves Montand sur YouTube.
  14. Par Nana Mouskouri sur Youtube.
  15. Florence Aubenas, Michel Henry et Judith Perrignon, « Cérémonie d'hommage à François Mitterrand. La rose et le noir place de la Bastille », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Par Geike Arnaertsur et Bobbejaan Schoepen YouTube.
  17. « Noir Désir « est au travail » et offre deux titres », sur L'Express, (consulté le ).
  18. Par Yves Scheer sur YouTube.
  19. Par L'Orchestre Poétique d'Avant-guerre sur Dailymotion.
  20. « L'intermittent des cerises », sur bandcamp, .
  21. « La revanche des clones », sur bandcamp, (consulté le ).
  22. « Le temps des cerises », sur Youtube, (consulté le ).
  23. 45 tours Porte Océane A010
  24. « Maxime Gervais - Le temps des cerises ».
  25. « Le Temps des Cerises (version HK) » (consulté le ).
  26. Union communiste libertaire, « L'UCL adopte son logo, orné d'un merle », sur UCL - Union communiste libertaire, (consulté le ).
  27. « Coluche Le temps des cerises ».
  28. Tous les recueils publiés par Jean Baptiste Clément, de son vivant, portent (aux vers 1 et 6) : « Quand nous en serons au temps des cerises », et jamais « Quand nous chanterons le temps des cerises ». Dans l’esprit du chansonnier, le passage de ce « Quand nous en serons » au « Quand vous en serez » de la troisième strophe servait à structurer le texte. Il est probable que « Quand nous chanterons le temps… » soit apparu d’abord au sixième vers, sous l’influence du verbe « sifflera » utilisé au vers 7, et qu’il se soit ensuite installé dans l’incipit. Tout semble indiquer que Jean Baptiste Clément n'a jamais eu connaissance de cette variante, laquelle fut sans doute inventée, avant ou après la mort du chansonnier, par l'un des nombreux interprètes oubliés du Temps des cerises.
  29. Curieusement, Clément écrit ici (Chansons, 1884) : « Je ne vivrais pas sans souffrir un jour. » Une variante apparaît plus tard, également dans une édition validée par Clément (La Chanson populaire, 1900) : « Je ne vivrais point sans souffrir un jour. »
  30. Clément mettait ici le mot chagrins.
  31. Clément écrivait ici : « Ne saurait jamais calmer ma douleur. » En effet, les vers 4 et 5 de cette strophe constituent un système conditionnel à l'irréel du présent, dans lequel « en m'étant offerte » signifie : si elle m'était offerte.

Articles connexes

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Liens externes

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