Maori des îles Cook — Wikipédia

Maori des Îles Cook,
Māori Kūki 'Āirani, Reo ipukarea
Pays Îles Cook, Nouvelle-Zélande
Nombre de locuteurs 20 000 à 30 000[réf. nécessaire]
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle Drapeau des Îles Cook Îles Cook
Codes de langue
IETF rar-CK mi-CK
ISO 639-2 rar
ISO 639-3 rar
Glottolog raro1241
État de conservation
Éteinte

EXÉteinte
Menacée

CREn situation critique
SESérieusement en danger
DEEn danger
VUVulnérable
Sûre

NE Non menacée
Langue vulnérable (VU) au sens de l’Atlas des langues en danger dans le monde
Échantillon
Article premier de la « Déclaration universelle des droits de l'homme », sur ohchr (voir le texte en français)

Atikara 1

Kua anau rangatira ia te tangata katoatoa ma te aiteite i te au tikaanga e te tu ngateitei tiratiratu. Kua ki ia ratou e te mero kimi ravenga e te akavangakau e kia akono tetai i tetai, i roto i te vaerua piri anga taeake.

Le maori des îles Cook (autonyme : Te reo Māori Kūki 'Āirani), parfois appelé à tort rarotongien[non neutre][1], est avec l'anglais la langue officielle et véhiculaire de la plus grande partie des Îles Cook[2].

Elle appartient au sous-groupe des langues polynésiennes et plus précisément aux langues océaniennes de la famille des langues austronésiennes. Ses plus proches parentes parmi les langues polynésiennes sont celles de Polynésie orientale et plus particulièrement le tahitien, le maori de Nouvelle-Zélande, le paumotu (langue des Tuamotu), le rapanui (langue de l'île de Pâques) et, dans une moindre mesure, l'hawaïen et le marquisien.

Statut officiel

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Le maori est depuis 2003 et le Reo Maori Act (« Loi sur la langue maorie »), la langue officielle des îles Cook avec l'anglais. Selon, cette loi qui institua également le Kopapa reo maori, c’est-à-dire la « Commission à la langue maorie », maori signifie :

  • la langue maorie (et ses différentes variantes dialectales) telle qu'elle est parlée et écrite sur les différentes îles de l'archipel des Cook ;
  • le pukapuka tel qu'il est parlé et écrit sur Pukapuka ;
  • le maori conforme au standard national approuvé par le Kopapa Reo.

En , le gouvernement annonça qu'il s'apprêtait à légiférer afin de rendre obligatoire la maîtrise du maori des îles Cook à tout candidat à un visa de résident permanent sur le territoire[3]. Cette annonce suscita des réactions partagées dans l'archipel[4].

Variantes dialectales

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Il existe plusieurs variantes dialectales du maori. Outre le rarotongien parlé sur l'île de Rarotonga, on distingue les dialectes de Rakahanga-Manihiki, des Ngaputoru (qui regroupe les trois îles d'Atiu, Mauke et Mitiaro), de Mangaia, d'Aitutaki et de Penrhyn[5]. La langue de Pukapuka est pour des raisons liées au peuplement de l'île, généralement considérée par les linguistes plus proche du samoan et des langues parlées sur les trois atolls des Tokelau[6].

Le maori standard, ou plutôt en voie de standardisation, est fortement inspiré du dialecte rarotongien, même s'il intègre de plus en plus de vocabulaire des autres îles de l'archipel, ne serait-ce que du fait que de nos jours un grand nombre d'habitants de Rarotonga sont originaires des autres îles.

Ci-dessous sont quelques exemples de variations de vocabulaire entre les différents dialectes du maori. Selon le dictionnaire de Buse et Taringa, il existe en tout une cinquantaine de mots ayant des étymons véritablement différents, le reste étant lié à des variantes de prononciations (ie kumara/ku'ara ; kare/ka'ore/'a'ore). À noter que 'akaipoipo… est un emprunt au tahitien « fa'aipoipo » datant de l'époque missionnaire et de l'introduction du mariage

Rarotonga Aitutaki Mangaia Ngāputoru Manihiki Tongareva Français
tuatua 'autara taratara araara kauta parler, parole
kūmara kū'ara kū'ara patate douce
kāre/kore kā'ore 'ā'ore kare négation
tātā kiriti tātā écrire
'ura koni 'ura 'ingo (Atiu) /
'ori (Mauke/Mitiaro)
hupa danse
'akaipoipo 'akaipoipo 'ā'āipoipo 'akaipoipo fakaipoipo mariage
'īkoke koroio rakiki fin, maigre
'are 'are 'are 'are fare hare maison
ma'ata 'atupaka ngao beaucoup, grand

Le maori se compose de 19 phonèmes, en prenant en compte les voyelles courtes et longues.

Les rares linguistes à s'être intéressés au maori des îles Cook ont longtemps analysé cette langue au travers du prisme des descriptions classiques de nos langues européennes. Ils lui ont imposé un certain nombre de cadres préconstruits, de grilles de réflexion, inspirés de la métalangue et des classifications grammaticales indo-européennes. Considérant ces descriptions classiques comme une forme de « glottocentrisme », la recherche linguistique, qu'elle soit francophone ou anglophone, tente, depuis quelques années, de sortir de ce carcan avec un succès limité. La question se pose, tout particulièrement, en ce qui concerne la catégorisation grammaticale. Les catégories bien connues, le verbe, le nom, l'adjectif, ont dans ces langues des frontières beaucoup plus perméables. Certains lexèmes peuvent ainsi être utilisés comme nom, adjectif, verbe en fonction du marqueur qui l'accompagne. De même, l'utilisation fréquente de phrases décrites comme non verbales cause certains linguistes à dire que c'est une langue sans opposition verbo-nominale.

Histoire de l'enseignement du maori aux îles Cook

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Lorsque John Williams de la London Missionary Society (LMS) déposa des catéchistes originaires des îles Sous-le-Vent sur Aitutaki (1821) puis Rarotonga (1823), il leur donna comme instruction de ne pas chercher à apprendre la langue locale mais de prodiguer leur enseignement en tahitien. Il pensait alors que la proximité linguistique des deux langues permettrait à la population de maîtriser rapidement cette dernière. Lorsqu'il repassa à Rarotonga en compagnie de Charles Pitman en 1827, il constata amèrement l'échec de ses prévisions : « Ce fut pour nous une déception de voir que pas un seul insulaire ne savait lire, et ce malgré l'assurance des professeurs d'avoir fait tout leur possible pour cela. Il est vrai que les enseignements se faisaient en tahitien puisque notre souhait était de généraliser ce dialecte autant que possible. » [7]

Changeant son fusil d'épaule, il mit en place un enseignement religieux, cette fois en maori. Malgré tout, le tahitien continua, au moins partiellement, d'être enseigné pendant encore de nombreuses années. En 1838, Pitman écrivait ainsi dans une de ses lettres destinée aux directeurs de la LMS avoir examiné les écoliers de la station de Titikaveka au sud de Rarotonga par une lecture des Écritures en tahitien[8]. De nombreux emprunts au tahitien, toujours perceptibles, datent de cette époque.

L'ouverture du Collège théologique de Takamoa en 1841, vit pour la première fois l'introduction de quelques cours d'anglais dans le cursus, mais ils restaient marginaux. La situation perdura jusqu'en 1888 et la mise en place du Protectorat. Le résident britannique, Frederick Joseph Moss, décida de mettre en place un système éducatif copié sur le modèle anglais avec des enseignements exclusivement dans cette langue. Avec l'annexion néo-zélandaise de 1901, cette politique fut reprise et renforcée par son successeur Walter Edward Gudgeon. Avec le Cook Islands Act de 1915, l'anglais fut officiellement déclaré langue officielle des îles Cook. Interdit à l'école sous peine de punitions diverses, le maori n'en demeura pas moins la langue utilisée dans le cadre familiale et la vie de tous les jours.

En 1945, Clarence Beeby, Directeur général de l'éducation, préconisa, sans résultat, la mise en place de quelques heures d'enseignement du maori dans le cursus. L'idée fut reprise dans les années 1950 par son successeur, Hugh Hickling, qui croyait qu'un enfant aurait plus de facilité à apprendre une langue étrangère s'il maîtrisait au préalable sa propre langue maternelle. Comme son prédécesseur, il rencontra une forte opposition non des autorités néo-zélandaises mais chez les insulaires, qui voyaient dans ce projet une tentative insidieuse pour les écarter des meilleurs emplois.

Avec l'indépendance associée de 1965, la responsabilité du système éducatif revint au gouvernement des îles Cook. Celui-ci mit en place peu à peu un cursus bilingue tandis que des manuels scolaires en maori étaient publiés (voir bibliographie). Malgré cela et du fait de l'apparition de nouveaux média comme la radio, la télévision[9], du développement du tourisme, la pratique du maori comtinue depuis de perdre du terrain au profit de l'anglais. Le résultat est les plus jeunes générations ne maîtrisent maintenant très mal non seulement le maori mais aussi l'anglais et passent souvent dans une même conversation d'une langue à l'autre sans être véritablement capable de tenir un discours soutenu dans aucune des deux[10]. La situation semble encore plus préoccupante chez les Maori expatriés en Nouvelle-Zélande puisque selon le recensement de 2006, 17 % d'entre eux[11] déclarent savoir parler maori et ils sont seulement 5 % parmi ceux nés en Nouvelle-Zélande (2e et 3e générations). Sans doute, c'est la raison pour laquelle le gouvernement néo-zélandais a mis en place ces dernières années un enseignement du maori (des îles Cook) sur son territoire (voir lien externe).

(Source principale : Maureen Goodwin, « Reo : Aue Tau e, To Tatou Reo! Alas for Our Language! » in Akono'anga Maori: Cook Islands Culture. 2003.)

Emprunts, néologismes et créations lexicales

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Comme pour l'ensemble des langues polynésiennes, le maori a intégré dans son vocabulaire un certain nombre de néologismes soit sous forme d'emprunts rephonologisés soit par le biais de créations lexicales. Ci-dessous un tableau comparatif de ces emprunts avec le tahitien

Maori Tahitien Français
mōtokā (de l'anglais motorcar) pere'o'o uira (litt. roue électrique)[12] Voiture
pa‘īreva (litt. la bateau qui s'en va) manureva (litt. l'oiseau qui s'en va) Avion
terepaoni tāniuniu (tā : causatif + niuniu : racine de cocotier par ext. fil, corde) Téléphone
nūti (de l'anglais news) parau api (litt. Parole nouvelle) les nouvelles, l'actualité
kī tā titā guitare
'are maki (litt. maison maladie) fare ma'i (litt. maison maladie) hôpital
pi'a 'āiti (litt. boite pi'a; à glace 'āiti de l'anglais ice) 'āfata fa'ato'eto'e (litt. caisse pour refroidir) réfrigérateur
pātikara mōtō motocyclette
roro uira (litt. mémoire ou cerveau, roro; électrique « uira ») roro uira (litt. mémoire, cerveau roro ; électrique « uira ») ordinateur
roro uira 'ātuitui (litt.mémoire ou cerveau, roro; électrique « uira »;
'ātuitui, crochet, hameçon, prise électrique)
nohora'a 'itenati (litt. adresse nohora'a ;
emprunt au français internet)
site web
  1. L'appellation « rarotongien » peut déplaire aux locuteurs des autres îles qui reprochent parfois aux habitants de Rarotonga leur « rarotongo-centrisme ».
  2. Sur place, les gens disent simplement Māori ou Te reo Māori. La précision « des îles Cook » est généralement ajoutée en dehors de l'archipel pour éviter toute confusion avec le maori de Nouvelle-Zélande. Elle est quelquefois également désignée (mais plus rarement) sous la forme « reo ipukarea ». Ces désignations multiples rendent compte des difficultés propres à certains États insulaires océaniens de trouver une cohésion nationale, tout au moins sur le plan linguistique.
  3. « Spoken Maori prerequisite for Cook Islands residency » (ABC Radio Australia Fri Nov 6, 2009)
  4. On the Street : Do you think people should have to speak conversational Maori in order to become a permanent resident ? (Cook Islands News - Wednesday, November 11, 2009)
  5. Ce dernier est le plus souvent considéré, notamment par les linguistes, comme une langue distincte, néanmoins tous ses habitants comprennent couramment le maori standard.
  6. Il fera l'objet ici d'un article à part même si officiellement il est considéré comme étant du maori (des îles Cook)
  7. John Williams, « A narrative of missionary enterprise ». 1837.
  8. Lettre de Charles Pitman datée du 11 août 1838 au Révérend Ellis à Londres (Archives de la LMS)
  9. En raison du peu de moyen pour la production locale, les programmes diffusés par Cook Islands TV sont pour l'essentiel achetés à la Nouvelle-Zélande, l'Australie ou les États-Unis et donc en anglais.
  10. Cette pratique de mêler des phrases maori et anglaise est appelée sur place le maroro-maori en référence au poisson volant (maroro) qui volette à l'aveugle entre mer et air.
  11. Soit 9 702 personnes sur les 57 939 Maori des îles Cook vivant en Nouvelle-Zélande.
  12. pere'o'o désigne un jouet ancien en forme d'hélice fait avec des feuilles de cocotier et que les enfants s'amusaient à faire tourner en courant ou en le plaçant dans un endroit bien ventilé. Uira est l'éclair et par extension l'électricité

Bibliographie

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  • Jasper Buse et Raututi Taringa, Cook Islands Maori Dictionary, Auckland, Bruce Biggs et Rangi Moeka'a, .
  • Stephen Savage, A dictionary of the Maori Language of Rarotonga, Suva, IPS,
    USP in association with the Ministry of Education of the Cook Islands
  • Tai Carpentier et Clive Beaumont, Kai Korero: Cook Islands Maori Language Coursebook, Pasifika Press,
  • Taiora Matenga-Smith, Cook Islands Cook Book, the Institute of Pacific Studies.
  • Taira Rere, Maori Lessons for the Cook Islands, Wellington, Islands Educational Division, Department of Education, .
  • Taira Rere, Conversational Maori, Rarotongan Language, Rarotonga, Government Printer, .
  • Taira Rere, Some Maori Lessons, Rarotonga, Curriculum Production Unit, Department of Education, .
  • Taira Rere, More Maori Lessons, Suva, University of the South Pacific,
  • Taira Rere, Maori Spelling: Notes for Teachers, Rarotonga, Curriculum Production Unit, Education Department, .
  • « Traditions and Some Words of the Language of Danger or Pukapuka Island », Journal of the Polynesian Society, no 13,‎ , p. 173-176.
  • Jasper Buse, Collection of Articles on Rarotonga Language, Londres, University of London, School of Oriental and African Studies, .
  • Manihikian Traditional Narratives: In English and Manihikian: Stories of the Cook Islands (Na fakahiti o Manihiki), Papatoetoe, New Zealand, Te Ropu Kahurangi,
  • Te korero o Aitutaki, na te Are Korero o Aitutaki, Rarotonga, Cook Islands, Ministry of Culutral Development,
  • Vainerere Tangatapoto, Atiu nui Maruarua: E au tua ta'ito, Suva, University of South Pacific,
  • Tongi Maki'uti, Learning Rarotonga Maori, Rarotonga 1999, Ministry of Cultural Development.
  • Tongi Maki'uti, Te uri Reo Maori, Punanga o te reo, .
  • Te au tata tuatua Ngatupuna Kautai… (et al.), Atiu, e enua e tona iti tangata, Suva, University of the South Pacific,
    Traduction maori de l'ouvrage Atiu: an island Community.
  • Christian, F. W., A vocabulary of the Mangaian languag, Honolulu, Bernice P. Bishop Museum, Bernice P. Bishop Bulletin, , chap. 2.
  • Kauraka Kauraka, E au tuatua ta'ito no Manihiki, Suva, IPS, USP, .

Articles connexes

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Liens externes

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Dictionnaire et grammaire en ligne

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Enseignement

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