Mine Opémiska — Wikipédia
La mine Opémiska, ou mine Opémisca, est une mine souterraine située à Chapais, dans le Nord-du-Québec. L'exploitation du gisement, découvert en 1929 par Leo Springer, a lieu en 1936 et 1937, puis de 1953 à 1991[1]. Depuis 2021, la société QC Copper & Gold entreprend des forages sur le site de l'ancienne mine. Un projet de relance et de mine à ciel ouvert est envisagé[2].
Historique
[modifier | modifier le code]Découverte du minerai
[modifier | modifier le code]Dès le milieu du XIXe siècle, des rapports géologiques attirent l'attention du gouvernement provincial et fédéral sur le potentiel minier du nord. Le rapport de James Richardson publié en 1870 pour la Commission géologique du Canada, souligne la présence d'importantes ressources minérales dans le secteur du lac Chibougamau. Dès 1903, Peter McKenzie y découvre du cuivre, marquant le début de l'exploration minière intensive dans les environs[3],[4].
En 1929, Leo Springer est informé par un trappeur cri, Charles A. Dixon, de la présence de minerai de cuivre dans la région du lac Opémisca. Les prospecteurs Springer, Jos Perry et Gaston Robitaille se rendent sur place en et collectent des échantillons. Le premier y découvre un gisement de cuivre prometteur[5],[6]. En 1936, une première compagnie minière entreprend des forages sur le gisement, creusant 600 mètres de galeries sur le site. Elle cesse toutefois ses opérations l'année suivante. La chute du prix du cuivre et l'absence de route vers le secteur y complique les opérations minières[6].
Le campement Opémiska et la ville de Chapais
[modifier | modifier le code]La route reliant Chibougamau au Saguenay-Lac-Saint-Jean est inaugurée en 1949. L'ouverture de cette voie terrestre en gravier à proximité du site, l'avènement de la société de consommation et l'augmentation des besoins en minerai pendant la Guerre froide stimulent l'industrie minière régionale et contribuent à la relance du projet[7]. La mine Opémiska est mise en service dès 1953. La compagnie crée à la même époque le campement Opémiska : un village minier pour les travailleurs et leurs familles. L'entreprise assume la construction des maisons et les services essentiels du village minier. Il devient en 1955, la ville de Chapais[6],[8].
Après la fondation de Chapais, la mine Opémiska demeure propriétaire de l'essentiel du parc immobilier de la municipalité. Elle assure aussi la construction de complexes récréatifs et sportifs locaux, comme l'aréna, la piscine, le club de curling municipaux. L'entreprise fait aussi construire et possède la salle communautaire du Club Opémiska, détruit par les flammes le 1er janvier 1980. L'incendie du Club Opémiska cause la mort de 48 personnes et fait une cinquantaine de blessés[9].
Jusqu'à sa fermeture, la mine Opémiska est le poumon économique et l'employeur principal de la communauté de Chapais[9]. En 1955, l'entreprise embauche 700 travailleurs. Ils ne sont toutefois que 250 en 1991[10]. Cette année-là, la mine cesse ses opérations. Ses installations sont démantelées l'année suivante[4],[9]. Le parc immobilier, les installations communautaires, les réseaux d'aqueduc, d'égouts et d'électricités ainsi qu'une partie du parc à résidus miniers sont vendus à la municipalité à des prix symboliques de 1 dollars au cours des années suivantes[9].
Conditions de travail des mineurs
[modifier | modifier le code]En octobre 1961, un conflit de travail éclate à la mine Opémiska. Les 450 travailleurs entreprennent une grève qui s'étire sur 5 mois, afin d'obtenir des conditions de travail similaires à celles les travailleurs des mines d'amiante de Thetford Mines[11]. Ils contestent aussi le poids de la mine Opémiska dans l'administration de la ville de Chapais[12]. La grève prend fin en mars 1962 et les mineurs obtiennent une amélioration de leur conditions de travail[13].
Au cours de ses années d'opération, les conditions de travail des mineurs sont fréquemment dénoncées. En 1975, à la suite du décès de deux mineurs, le syndicaliste Michel Chartrand alerte l'opinion publique sur les conditions de sécurité déficientes à la mine Opémiska de Chapais. Il dénonce également l'absence d'inspections des institutions publiques[14].
En 1988, le syndicat CSN local établie que deux travailleur sur trois de la mine Opémiska souffrent de la maladie des « doigts blancs »[15]. Au même moment, on estime qu'au Québec 15% des travailleurs miniers en sont atteint. Des 254 travailleurs en poste à Chapais, un travailleurs sur trois souffre d'un syndrome sévère aux mains, aux bras et au cou, causé par les outils de travail vibrants[15]. En 1989, l'Institut de recherche en santé et sécurité au travail du Québec (IRSST) estime que les outils employés par les mineurs de la mine Opémiska provoquent des vibrations de trois à dix fois supérieure à la norme recommandée de l'époque, bien qu'aucune norme ne soit imposée à l'époque par la Commission de la santé et sécurité au travail du Québec (CSST)[16],[17]. À l'époque, la majorité de ces cas de maladie professionnelle sont rejetées par la CSST. L'IRSST recommande en 1989 l'abolition de la prime au rendement des mineurs, qui les poussent à travailler plus fort et à s'exposer aux risques du développement du syndrome de Raynaud[17]. La mine ferme ses porte en 1991, avant la mise en place de mesures de prévention.
Exploitation
[modifier | modifier le code]Au cours de ses années d'exploitation, la mine Opémiska exploite cinq puits.
Puits | Années d'opération | Profondeur | Démantèlement |
---|---|---|---|
Springer I[19] | 1953-1991 | 2 409 pieds (14 niveaux) | Septembre 1991 |
Springer II[20] | 1955-1991 | 2 233 pieds (5 niveaux) | Octobre 1991 |
Perry[21] | 1958-1983 et 1985-1991 | 3 322 pieds (20 niveaux) | Août 1991 |
Robitaille[22] | 1968-1972 | 1 461 pieds (8 niveaux) | Chevalement réutilisé sur le puits Cooke. |
Cooke[23] | 1976-1989 | 1 985 pieds (10 niveaux) | Octobre 1990 |
Propriétaires de la mine
[modifier | modifier le code]La première entreprise à entreprendre des travaux sur le gisement est la Venture Limited, en 1936 et 1937. De 1953 à 1971, la mine Opémiska est opérée par l'entreprise Opemiska Copper Mines Ltd. Elle devient la propriété de Falconbridge Copper Ltd. en 1971. De 1986 jusqu'à sa fermeture, la mine appartient à Minnova Inc[18].
Gestion des résidus miniers
[modifier | modifier le code]Le 23 juin 2008, la digue retenant les résidus miniers de la mine Opémiska cède, faute d'entretien. Le bassin contenant l'équivalent de 400 piscines olympiques d'eaux polluées se déverse dans un ruisseau. La vague s'enfonce dans la forêt, arrachant la route et la voie de chemin de fer. Les eaux polluées atteignent les rivières Obatogamau et Opiwaka[24]. L'incident environnemental pousse les autorités gouvernementales à resserrer la surveillance des parcs à résidus miniers au Québec[25].
Projet de relance
[modifier | modifier le code]En 2021, l'entreprise minière QC Copper & Gold réalise des forages sur le site de l'ancienne mine Opémiska, estimant que des milliers de tonnes d'or et de cuivre pourraient encore y être exploité. Un projet de mine à ciel ouvert est envisagé. Les travaux de forage sont poursuivis en 2022[26],[2],[27].
Archives
[modifier | modifier le code]Les archives de la Division Opémiska de Minnova sont conservées à la Société d'histoire de la Baie-James[28].
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Camil Girard, Normand Perron. Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean. IQRC, PUL, coll. « les régions du Québec », 1989. (ISBN 2-89224-125-1)
- Comité du 50e. Chapais: un demi-siècle si naturel 1955-2005 : 50e Ville de Chapais. Municipalité de Chapais, 2005.
- Hubert Mansion. Chibougamau dernière liberté. Michel Brûlé, coll. « La Saga du Nord », 2009. (ISBN 978-2-89485-444-0)
- Marc Vallières. Des mines et des hommes : histoire de l'industrie minérale québécoise. Québec, 2012. (ISBN 978-2-550-66300-3)
- Réjean Girard (dir.). Histoire du Nord-du-Québec. IRNS, PUL, coll. « les régions du Québec », 2012. (ISBN 978-2-7637-958-1-2)
- Sylvie Tremblay. Les récits de Philippe Tremblay, 1929-1983 : arpentage primitif, mesurer le Québec. GID, 2020. (ISBN 978-2-89634-432-1)
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Marc Vallières, Des mines et des hommes : histoire de l'industrie minérale québécoise des origines à aujourd'hui, Gouvernement du Québec, (ISBN 978-2-550-66300-3 et 2-550-66300-4, OCLC 828898826, lire en ligne)
- « Une fosse de cuivre près de Chapais? », sur www.lecitoyenrouynlasarre.com (consulté le )
- Gilles Boileau, « Chibougamau, dernière frontière », Histoire Québec, vol. 5, no 1, , p. 36–39 (ISSN 1201-4710 et 1923-2101, lire en ligne, consulté le )
- Réjean Girard, Réginald Auger et Institut national de la recherche scientifique, Histoire du Nord-du-Québec, Presses de l'Université Laval, (ISBN 978-2-7637-9581-2, 2-7637-9581-1 et 978-2-7637-9582-9, OCLC 816812006, lire en ligne)
- Hubert Mansion, Chibougamau, dernière liberté : la saga du Nord, Michel Brûlé, (ISBN 978-2-89485-444-0 et 2-89485-444-7, OCLC 473695697, lire en ligne)
- Jean Désy et François Huot, La Baie-James des uns et des autres : Eeyou Istchee, Productions FH, (ISBN 978-2-9811250-0-2 et 2-9811250-0-1, OCLC 445235139, lire en ligne)
- Normand Perron et Réjean Girard, Le Nord-du-Québec, (ISBN 978-2-7637-2863-6 et 2-7637-2863-4, OCLC 987799396, lire en ligne)
- Normand Perron et Institut québécois de recherche sur la culture, Histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Institut québécois de recherche sur la culture, (ISBN 2-89224-125-1, 978-2-89224-125-9 et 2-89224-126-X, OCLC 20098818, lire en ligne)
- [s.a.] Chapais: un demi-siècle si naturel 1955-2005 : 50e Ville de Chapais, Municipalité de Chapais, 2005.
- « Chapais brûle-t-il ? », Le Devoir, (lire en ligne)
- « Arrêt de travail de 350 mineurs à Chapais », La Presse, (lire en ligne)
- « Chapais, ville fermée jusqu'en 1959, vogue vers son émancipation », La Presse, (lire en ligne)
- « Après un arrêt de travail de 5 mois ; Chapais : la grève est terminée », L'évènement-journal, (lire en ligne)
- « Chartrand dénonce les conditions de sécurité à Chapais », Le Devoir, , p. 3 (lire en ligne)
- « Les mineurs de Chapais souffrent de la maladie des « doigts blancs » : La CSST sous-estimerait le problème », Le Devoir, , p. 3 (lire en ligne)
- « La CSST rejette la majorité des demandes des travailleurs : La maladie « des doigts blancs » sème l’inquiétude », Le Soleil, , p. 6 (lire en ligne)
- « La maladie des «doigts blancs» frappe un travailleur sur trois à la mine de cuivre de Chapais », La Presse, , p. 6 (lire en ligne)
- « Mine Opémiska - SHBJ », sur archive.shbj.ca (consulté le )
- « Mine Springer-Un - Chapais (Ville) », sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
- « Mine Springer-Deux - Chapais (Ville) », sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
- « Mine Perry - Chapais (Ville) », sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
- « Mine-Robitaille - Chapais (Ville) », sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
- « Mine Cooke - Chapais (Ville) », sur toponymie.gouv.qc.ca (consulté le )
- Zone Aucun thème sélectionné- ICI.Radio-Canada.ca, « Importantes conséquences environnementales », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
- « Bombe environnementale à retardement », sur La Presse, (consulté le )
- mhlevesque, « Deux grands projets à Chapais en 2022 », sur Journal Informe Affaires, (consulté le )
- Karine Desbiens, « QC Copper and Gold veut redonner la vie aux gisements d’Opémiska, Chapais », sur La Sentinelle, (consulté le )
- « Guide des Archives », sur SHBJ (consulté le )