Pont Bailey — Wikipédia
Le pont Bailey est un pont préfabriqué portatif, conçu initialement pour un usage militaire et permettant une portée maximale de 60 m. Il n'exige ni outillage spécial ni équipement lourd pour sa construction, ses éléments sont assez petits pour être transportés par camion et le pont est assez solide pour autoriser le passage des chars. On le considère comme un modèle de génie militaire.
Histoire
[modifier | modifier le code]Donald Bailey (1901-1985) était ingénieur civil à l'Experimental Bridging Establishment[1], structure d'ingénierie militaire rattachée au War Office (ministère de l'Armée britannique) mais aussi passionné de modèles réduits de ponts. S'appuyant sur les travaux de certains prédécesseurs, dont ceux de Charles Inglis et du Major Giffard Martel sur l'usage de panneaux démontables[1], il présente le un prototype de son pont : son modèle de démonstration, d'une longueur de 21 m, est déployé en 36 minutes. La production en série débute en juillet et les premiers exemplaires peuvent être livrés dès [1].
Le premier pont fut mis en service par les Royal Engineers en en Tunisie durant la campagne militaire d'Afrique du Nord (Seconde Guerre mondiale)[2].
L'armée britannique en installa 2 500 en Italie et 1 500 en Europe du Nord[1]. Séduite, l'US Army développe sous licence sa propre version, appelée M2, qui présentera pourtant quelques difficultés de compatibilité avec le modèle d'origine en raison d'une taille plus large du tablier[1].
Lors de leur repli des pays occupés, les Allemands et les Italiens ayant fait sauter de nombreux ponts pour retarder la progression des Alliés, les ponts Bailey ont alors été d'une grande utilité et certains sont restés longtemps en place avant la reconstruction en dur. Le premier pont Bailey sur le sol français a été construit les 8 et , sur le canal de Caen à la mer, à hauteur du château de Bénouville, près de Pegasus Bridge.
Durant toute la Seconde Guerre mondiale, près d'un demi-million de tonnes d'éléments de pont seront produits[1]. Le général Eisenhower considérait le pont Bailey comme une des trois armes révolutionnaires du conflit avec le radar et le bombardier lourd[3]. Donald Bailey sera anobli pour cette invention. Après guerre, le pont Bailey équipe toutes les armées occidentales. Les armées britanniques et américaines ne le remplaceront qu'en 2001 par le modèle Mabey-Johnson[1].
Utilisation par la France après 1945
[modifier | modifier le code]De nombreux pont Bailey furent implantés en Indochine, dont celui installé par l'armée française lors de la bataille de Diên Biên Phu, désormais en mauvais état mais toujours en service.
Après la guerre, le pont Bailey a été largement déployé en France par le génie militaire à la suite de catastrophes naturelles ou technologiques[4],[5]. Fin 2020, un pont Bailey est par exemple construit dans la vallée de la Roya, à la suite des destructions de ponts dues à la tempête Alex[6],[7].
Par ailleurs, il a été déployé hors de France dans le cadre d’interventions françaises. Ainsi six ponts Bailey sont mis en place par l'armée française en septembre 2006 après la destruction de la plupart des ponts au sud de Beyrouth par l'armée israélienne, pendant la guerre contre le Hezbollah[8].
À partir de 2010, l'armée française dispose de 35 de ces ponts, 20 gérés par le Centre national des ponts de secours du ministère de l’Écologie et 15 par les unités du génie militaire[9].
En 2013, l'armée française installe un pont de ce type à Tassiga, au sud de Gao au Mali, en remplacement d'un pont détruit par les djihadistes au cours de l'intervention militaire au Mali[10].
En 2015, un pont Bailey est construit à Bangui (Centrafrique), inauguré par la présidente Catherine Samba-Panza[11].
Le Centre national des ponts de secours gère un stock d'une centaine de ponts Bailey à des fins de sécurité civile tandis que des entreprises privées sont dorénavant en mesure d’en fournir et de les déployer[12].
Conception
[modifier | modifier le code]Le cahier des charges exigeait la confection d'un pont polyvalent, modulable en portée (jusqu'à 60 m sans appui) et en charge (jusqu'à 70 tonnes). Le montage devait en être facile et rapide, sans utilisation de moyen mécanique, l'ensemble devant pouvoir être démontable et transportable à bord de camions militaires standards[1].
Le pont Bailey s'inspire du pont-route métallique français, mais en poussant le principe du démontage en un Meccano dont les pièces les plus lourdes peuvent être portées à bras :
- les panneaux constituant les poutres principales, de 202 kg, portés par quatre hommes ;
- les pièces de pont de 272 kg portées par six hommes.
L'avantage principal est de pouvoir - par le jeu du nombre des poutres porteuses latérales - faire varier de manière considérable la force portante en fonction des charges à faire passer et de l'écartement des appuis. Chaque type de pont est désigné par une appellation double, utilisant les mots "simple", "double" et "triple". Le premier indique le nombre de poutrelles élémentaires juxtaposées pour chacune des deux poutres porteuses ; le second, le nombre de panneaux, en hauteur, de chaque poutrelle. On obtient ainsi sept types de ponts fonctionnels : S-S, D-S, T-S, D-D, T-D, D-T et T-T. Le pont est assemblé sur la rive, deux fois plus long que nécessaire pour ne pas basculer, puis poussé sur rails vers son emplacement prévu. Le trop construit est démonté après coup. Deux heures suffisent à 40 sapeurs pour installer un ouvrage basique de 24 mètres de long.
Opérateurs militaires
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- Nicolas Aubin 2015 op. cit.
- (en) « UK Military Bridging – World War II (Africa and Northwest Europe) », sur ThinkDefence.co.uk, .
- Gordon L. Rottman, World War II River Assault Tactics, Osprey, 2013, p. 39.
- « https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/hautes-pyrenees/inondations-un-pont-provisoire-mis-en-place-par-l-armee-pour-desenclaver-cauterets-282771.html », sur France 3 Occitanie, (consulté le ).
- « Les Tourangeaux privés du pont Wilson pendant quatre ans (6/6) », sur La nouvelle république, (consulté le ).
- Thibaut Lefèvre, « Les troupes du génie militaire ne reviendront pas dans la Roya », sur France Inter, (consulté le ).
- « Les ponts de secours, "une vraie bouffée d'oxygène" pour les vallées sinistrées par la tempête Alex », sur Nice Matin, (consulté le ).
- Pierre France, « La Légion sur le pont au Liban », sur La Dépêche, (consulté le ).
- Philippe Chapleau, « Méconnu, le Centre national des ponts de secours stocke et gère les ponts Bailey », sur Ouest-France, (consulté le ).
- Opération Serval : reconstruction d'un pont à Tassiga. Site du Ministère français de la Défense..
- « Construction d'un pont Bailey à Bangui », sur YouTube, chaîne de l'armée française, (consulté le ).
- « 25 ans d'expérience dans la location de ponts Bailey », sur pontbaileytoustravaux.com (consulté le ).
- (es) « El Ejército español coloca puentes Bailey en la M-507 tras los destrozos de la DANA », sur alcabodelacalle, (consulté le ).
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Nicolas Aubin, « Le Bailey, un pont de génie », Guerres & Histoire, no 28, , p. 70-73 (ISSN 2115-967X).
- Sous la direction d'Antoine Picon, L'art de l'ingénieur constructeur, entrepreneur, inventeur, p. 71, Centre Georges Pompidou/éditions Le Moniteur, Paris, 1997 (ISBN 978-2-85850-911-9).
- Gordon L. Rottman, World War II River Assault Tactics, Osprey, 2013 [1].
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Présentation du pont Bailey sur le site du musée du génie à Angers.
- (en) Site du fabricant.
- (en) U.S. Army : Manuel de montage.
- (nl) « Images de l'assemblage d'un pont Bailey à Leest (Belgique) ».