Référendum constitutionnel égyptien de 2019 — Wikipédia

Référendum constitutionnel égyptien de 2019
20 au
Corps électoral et résultats
Inscrits 61 344 503
Votants 27 193 593
44,33 % en augmentation 5,7
Blancs et nuls 831 172
Révision de la constitution
Pour
88,83 %
Contre
11,17 %

Un référendum constitutionnel a lieu du 20 au en Égypte. La population est amenée à se prononcer sur une révision de la constitution portant notamment sur l'allongement du mandat présidentiel de quatre à six ans (ainsi que de la prolongation rétroactive du mandat en cours de deux ans), la modification de la limite de mandats qui devient seulement consécutive, sur le rétablissement du poste de vice-président et sur celui d'un Sénat.

Le projet est porté par le président Abdel Fattah al-Sissi, au pouvoir depuis le putsch de 2013. La révision permettrait à ce dernier de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2030 au lieu de 2022 en prolongeant son second mandat de deux ans et en l'autorisant exceptionnellement à en effectuer un troisième consécutif.

Le référendum est approuvé sans surprise par une large majorité de votants, 88,83 % d'entre eux ayant voté en faveur des amendements, pour une participation de seulement 44,33 % malgré l'étalement du scrutin sur trois jours.

Le président Sissi en 2015

Abdel Fattah al-Sissi accède au pouvoir des suites du coup d'État de 2013. Un mouvement protestataire de grande ampleur réunissant plus d'une dizaine de millions d'Égyptiens opposés à la dérive autoritaire et islamiste du premier président démocratiquement élu, Mohamed Morsi, est récupéré par l'armée qui le renverse le . Après une période d'intérim assurée par Adli Mansour, Sissi quitte le commandement de l'armée pour se présenter à l'élection présidentielle du 28 mai 2014, qu'il remporte avec 96,91 % des voix[1] dans un contexte présumé de fraudes[2],[3].

Sissi exerce dès lors une dictature en Égypte[4],[5],[6]. Des milliers d'opposants au régime sont tués ou emprisonnés[7] tandis que plusieurs centaines d'autres auraient purement et simplement disparu[8]. Les médias égyptiens sont tous rapidement réduits au silence[9]. Les responsables de plusieurs ONG égyptiennes sont menacés de mort et obligés de quitter le pays[10]. Amnesty International note aussi un « recours généralisé à la torture en détention »[11]. Des lois liberticides sont mises en place, notamment celle condamnant à de fortes amendes les médias et les journalistes qui mettraient en doute les communiqués officiels du gouvernement[12], ou encore celle interdisant les manifestations sans accord du régime sous peine de prison[13]. L'homosexualité est également réprimée par le régime ; des homosexuels sont arrêtés, torturés ou condamnés à des peines de prison[14],[15],[16]. Les athées sont également persécutés, et certains perdent la garde de leurs enfants[17], le régime durcissant les lois visant les athées[18].

Sissi est facilement réélu en mars 2018, le scrutin ayant vu l'exclusion de tous les candidats d'opposition puis la présentation en dernière minute d'un candidat ouvertement partisan du président sortant, faisant office de « lièvre ». La constitution en vigueur limitant à deux le nombre de mandats présidentiels, Al-Sissi doit alors quitter la présidence en 2022, à la fin de son deuxième mandat de quatre ans[19].

Étapes du projet

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Dès fin 2015, un an après le début du premier mandat d'Abdel Fattah al-Sissi, ses partisans commencent à faire campagne pour faire amender la Constitution de 2014. Sissi lui-même estime que celle ci a été écrite « avec de bonnes intentions », mais que celles-ci ne suffisent pas pour gouverner[20]. Début 2017, un député proche du pouvoir lance une collecte de parrainages pour autoriser Sissi à effectuer autant de mandats qu'il le souhaite, en appelant le peuple à le réélire ou à le rejeter[21]. À la fin de cette même année, Sissi s'engage pourtant à ne pas effectuer un troisième mandat[22]. L'année suivante, les partisans du président appellent à porter le mandat présidentiel à six ans[23],[24]. En , les députés progouvernementaux repartent en campagne pour ces amendements[25].

En accord avec l'article 226 de la Constitution de 2014, celle-ci peut être révisée à la demande du président ou d'au moins un cinquième des membres du parlement, suivi d'un vote à la majorité des deux tiers et d'un référendum organisé dans les 30 jours suivant le vote[26]. La majorité absolue suffit pour l'approbation populaire, aucune majorité qualifiée ni quorum de participation n'étant requis[27],[28].

Le , 155 députés sur 596 soumettent une proposition de révision de la constitution. Le premier quorum étant atteint, une commission parlementaire adopte la proposition le , avant l'organisation à partir du 14 d'un débat public[28]. Le jour même, un premier projet est approuvé par 485 députés sur 596[29].

En réaction, des partis d'opposition, notamment le Parti de la Constitution fondé par l'opposant Mohamed el-Baradei[30], mettent en place une campagne d'opposition aux amendements et recueillent 60 000 signatures. Amr Moussa[31], président du comité constitutionnel ayant adopté la précédente mouture, critique aussi la réforme[31]. Le régime réagit en fermant quelque 34 000 sites web, dont celui de cette campagne[32] et en arrêtant des centaines d'opposants[33]. Des commerçants sont forcés de poser des banderoles de soutien au « oui », sous peine de représailles, et à payer pour acquérir et poser celles-ci[34].

Dans un contexte de répression par le régime des voix dissidentes ayant vu des citoyens condamnés à des peines de plusieurs années de prison fermes pour des tweets jugés trop critiques[35], la quasi-totalité des propositions ne rencontre que peu d'opposition de la part de la population, à l'exception de la question de l'extension de la durée du mandat présidentiel, qui devient rapidement le principal objet des débats. Si la limite de deux mandats est conservée, le projet initial prévoit en effet de « remettre à zéro les compteurs », sans prise en compte des mandats passés, ce qui permettait au président Sissi de se représenter en 2022 puis 2028, pour une fin de quatrième mandat en 2034. En réaction à la résistance rencontrée, un compromis est trouvé. Le nouveau projet de révision prévoit ainsi que le mandat en cours du président soit d'ores et déjà étendu de manière nominative, mais qu'il ne puisse en effectuer qu'un seul supplémentaire, pour un départ du pouvoir en 2030[28].

Le projet de révision est voté par 531 voix sur 554 le . Le lendemain, celui-ci est annoncé pour les jours suivants, avec un vote étalé sur trois jours du 20 au , afin de favoriser un taux de participation donnant une légitimité à la révision. Les Égyptiens de la diaspora votant quant à eux du 19 au [36].

Bulletin de vote utilisé

Les amendements portent sur plusieurs articles de la Constitution de 2014, notamment l'article 140, qui ferait passer le mandat présidentiel de quatre à six ans. L'article 241 serait également modifié de manière à faire appliquer le changement au mandat en cours du président al-Sissi, et à lui permettre de se représenter pour un troisième mandat consécutif[19]. Bien que la limite de deux mandats demeure, elle n'est désormais que consécutive. Cet amendement est cependant jugé inconstitutionnel, l'article 226 de la Constitution interdisant explicitement de modifier les modalités de réélection du président « à moins que l'amendement ne fournisse davantage de garanties »[35].

La révision des articles 185, 189 et 193 augmenterait par ailleurs significativement les pouvoirs du président. Celui-ci nommerait un ou plusieurs vice-présidents, une fonction abolie en 2012, le président de la Haute cour de justice, qui nomme à son tour les procureurs et hauts magistrats, ainsi que le président de la Cour constitutionnelle suprême[37].

Le rôle prépondérant des militaires dans la vie du pays serait également institutionnalisé. L'article 200 accorderait ainsi à l'armée la mission de « préserver la constitution et la démocratie, ainsi que les principes fondamentaux de l'État ». Enfin, l’article 234 lui permettrait de sélectionner elle-même le ministre de la Défense[38], là où la disposition actuelle ne le permet que durant une durée de huit ans suivant l'adoption de la Constitution de 2014.

Le parlement égyptien redeviendrait bicaméral, avec le rétablissement du Sénat aboli par la nouvelle constitution en 2014. Celui-ci se composerait d'un minimum de 180 membres dont deux tiers élus et le tiers restant nommé par le président. La chambre basse verrait quant à elle le nombre de ses membres passer de 596 à 450, dont 112 réservés aux femmes, soit 25 %[39],[40].

Enfin, des quotas d'agriculteurs et d'ouvriers seraient fixés dans les conseils municipaux. Des quotas de chrétiens et d'handicapés, à définir, sont également prévus[28].

Déroulement

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Au cours du vote, des employés sont exhortés d'aller voter tandis que des bons pour des aliments gratuits sont offerts dans les bureaux de vote[41]. Un homme est arrêté pour avoir brandi une pancarte hostile au référendum[42].

Les partisans du régime annoncent un taux de participation élevé[43]. Le vote intervient sans réel débat dans le pays, et est largement considéré comme gagné d'avance, le seul enjeu résidant dans le taux de participation[44].

Référendum égyptien de 2019[28],[45]
Choix Votes %
Pour 23 416 741 88,83
Contre 2 945 680 11,17
Votes valides 26 362 421 96,94
Votes blancs et invalides 831 172 3,06
Total 27 193 593 100
Abstention 34 150 910 55,67
Inscrits/Participation 61 344 503 44,33
Pour
23 416 741
(88,83 %)
Contre
2 945 680
(11,17 %)
Majorité absolue

Références

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  1. « Égypte : une écrasante et prévisible victoire du maréchal Sissi », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  2. Alain Gresh, « Égypte, le premier échec du « maréchal » Sissi » Nouvelles d'Orient, Les blogs du diplo, 29 mai 2014.
  3. Jean Marcou, « La « nouvelle » Égypte d'Abdel Fattah al-Sissi », Diplomatie, no 70, septembre-octobre 2014.
  4. « Égypte : al-Sissi, un dictateur sorti des urnes » (consulté le ).
  5. « Vu des États-Unis. Trump fait erreur en soutenant l’Égypte de Sissi », sur Courrier international (consulté le ).
  6. « Abdel Fatah al-Sissi, le dictateur égyptien », L'Écho, 3 avril 2018.
  7. Najma Kousri Labidi, « Égypte : l'assassinat de Shaïmaa al-Sabbagh révèle les méthodes de répression du régime Al Sissi », HuffPost Tunisie,‎ (lire en ligne).
  8. « Rethinking the U.S.-Egypt relationship: How repression is undermining Egyptian stability and what the United States can do », Shadi Hamid, Brookings, 3 novembre 2015.
  9. « Marching to the wrong tune », sur economist.com, .
  10. « Worse than Mubarak », sur economist.com, .
  11. « Visite de François Hollande en Égypte : respect des droits humains d'abord », Amnesty International, 15 avril 2016.
  12. « L'Égypte promulgue une loi menaçant la liberté de la presse », L'Express, 17 août 2015.
  13. « L'Egypte réforme et restreint le droit de manifester », sur LExpress.fr (consulté le )
  14. Ariane Lavrilleux, Égypte : des rafles d'homosexuels sèment la terreur, Le Point, 13 octobre 2017.
  15. Ariane Lavrilleux, « L'Égypte mène une véritable chasse aux homosexuels », Europe 1, 24 octobre 2017.
  16. « Campagne de répression de l'homosexualité en Égypte », Le Figaro avec Reuters, 2 octobre 2017.
  17. « Egypte: des enfants retirés à leur mère pour cause d’athéisme - Moyen-Orient - RFI », sur RFI (consulté le )
  18. « L'Egypte prépare une loi pour criminaliser l'athéisme », sur Marianne (consulté le )
  19. a et b « Egypte: référendum dans les prochains jours pour prolonger la présidence de Sissi », Nouvel Obs,‎ (lire en ligne).
  20. Khaled Dawoud, « The Debate over Egypt’s Constitution », sur Atlantic Council (consulté le )
  21. Reuters Editorial, « Egypt MP seeks end to constitutional restrictions on presidential... », sur U.S. (consulté le )
  22. « Égypte : le président Sissi annonce qu'il ne briguera pas de troisième mandat », sur France 24 (consulté le )
  23. « Sisi loyalists call for six-year term », sur Al-Monitor (consulté le )
  24. « En Egypte, un président tout-puissant », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. La-Croix.com, « Egypte: vers un possible maintien de Sissi au pouvoir après 2022 », sur La Croix (consulté le )
  26. « Wrap up: Parliament approves constitutional amendments by a majority of 531 members », sur EgyptToday (consulté le )
  27. Constitution
  28. a b c d et e Ägypten, 22. April 2019 : Verfassungsreform
  29. « Egypte: l'Assemblée approuve le projet de réforme constitutionnelle », sur Le Figaro (consulté le )
  30. « Proposed Egyptian constitutional amendments are "null": Mohamed ELBaradei », sur Egypt Independent (consulté le )
  31. a et b « Amr Moussa Warns of Consequences of Amending Egypt Constitution », sur Asharq AL-awsat (consulté le )
  32. Daniel, « Egypt blocks over 34,000 websites in attempt to 'shut down' constitutional amendments opposition campaign », sur Mada Masr (consulté le )
  33. Mohamed Abdellah, « Opponents say Egypt's constitutional changes will cement 'absolute... », sur U.S. (consulté le )
  34. « REVEALED: Egyptian police coerce shopkeepers to support pro-referendum campaign », sur Middle East Eye (consulté le )
  35. a et b « Sissi’s constitutional coup threatens Egypt’s stability - The Washington Post », sur Washington Post (consulté le )
  36. Egypte: référendum dans les prochains jours pour prolonger la présidence de Sissi
  37. Egypt constitutional changes could mean Sisi rule until 2030
  38. Egypte : référendum du 20 au 22 avril sur une prolongation de la présidence Sissi
  39. « En Egypte, un référendum pour consolider à très long terme le pouvoir du président Sissi », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  40. Frequently Asked Questions about parliament's proposed amendments of Egypt's 2014 constitution
  41. Le Point, magazine, « Référendum sans suspense en Egypte pour consolider le pouvoir de Sissi », sur Le Point (consulté le )
  42. « Egypte: fin du référendum pour prolonger la présidence de Sissi », sur TV5MONDE (consulté le )
  43. « Égypte: fin du référendum sur la révision de la Constitution - Afrique - RFI », sur RFI (consulté le )
  44. Réforme constitutionnelle.En Égypte, l’avenir d’Al-Sissi voté par référendum
  45. Egypt's constitutional amendments passed by 88.83% in referendum: National Elections Authority