Théorème de Golod-Chafarevitch — Wikipédia
En mathématiques, le théorème de Golod–Chafarevitch (ou Golod-Shafarevic), énoncé et prouvé en 1964 par Evgeny Golod et Igor Chafarevitch, est un théorème de théorie combinatoire des groupes. Il a permis en particulier de construire des contre-exemples à des conjectures tant de théorie des groupes que de théorie des nombres.
Le théorème
[modifier | modifier le code]Soit p un nombre premier et soit G un p-groupe fini, c’est-à-dire un groupe fini dont tous les éléments sont d’ordre une puissance de p.
Si d est le nombre minimal de générateurs et r le nombre minimal de relations d’une présentation du groupe G, on a l’inégalité fondamentale :
- .
Dans l'article initial de Golod et Chafarevitch en 1964, le nombre était replacé par . L’inégalité plus forte, avec , a été prouvée simultanément et indépendamment par Wolfgang Gaschütz[1] et Ernest Vinberg[2].
La preuve originelle reposait sur de l’algèbre non commutative, en particulier sur des quotients d’anneaux de séries formelles à variables non commutatives. Une preuve fondée sur la cohomologie des groupes a été ensuite proposée par Peter Roquette. L’inégalité de Golod et Shafarevic revient en effet à l’inégalité suivante entre groupes d’homologie[3] ( est ici le corps fini à p éléments):
- .
Applications
[modifier | modifier le code]Le théorème a plusieurs conséquences importantes, tant dans la théorie des groupes elle-même qu'en théorie des nombres.
En 1902, William Burnside avait demandé si un groupe engendré par un nombre fini d'éléments et de torsion, c'est-à-dire dont tous les éléments sont d'ordre fini, est nécessairement fini.
Le théorème de Golod et Chafarevitch permet de construire, pour tout nombre premier p, un groupe infini G engendré par 3 éléments dont chaque élément a pour ordre une puissance de p. La réponse à la question de Burnside est donc négative[4],[5].
Problème de Kurosh-Levitzki
[modifier | modifier le code]Golod obtient aussi la construction d'un nil-anneau qui n'est pas localement nilpotent[6].
Tour de corps de classes
[modifier | modifier le code]En théorie des corps de classes, la tour des corps de classes d’un corps de nombres K est la suite d'extensions du corps construite en itérant la construction du corps de classes de Hilbert. Autrement dit, on construit d’abord le corps de classes de Hilbert, c’est-à-dire l’extension H abélienne maximale non ramifiée de K ; c'est une extension finie, dont le groupe de Galois sur K est isomorphe au groupe des classes d’idéaux de K). On construit ensuite le corps de Hilbert de H, puis le corps de Hilbert de celui-ci, etc. Une question était de savoir si cette tour était toujours finie, autrement dit, si l’une des extensions ainsi obtenues était son propre corps de Hilbert. L'intérêt initial du problème était d'obtenir ainsi une extension finie du corps de base dont tous les idéaux seraient principaux[5].
Une conséquence du théorème de Golod-Chafarevitch est que ce n’est pas le cas. Dans leur article de 1964[7], Golod et Chafarevitch donnent comme contre-exemple le corps
.
Avec la forme un peu plus forte donnée plus haut de l'inégalité, on peut montrer que si K est un corps quadratique imaginaire dont le discriminant a au moins 6 diviseurs premiers distincts, sa 2-tour de corps de classes (c'est-à-dire la tour de corps obtenue en se limitant à chaque étage à l'extension abélienne maximale non ramifiée dont le groupe de Galois est un 2-groupe) est de degré infini sur le corps. Plus généralement, un corps de nombres dont le discriminant a suffisamment de facteurs premiers, a une tour de corps de classes infinie. Un exemple (plus petit que l'exemple initial) de tel corps imaginaire est ; un exemple de corps réel dont la 2-tour de corps de clases est infinie est [8]. Des exemples plus petits sont maintenant connus[5].
Une autre conséquence concerne les discriminants des corps de nombres. Si est la valeur absolue minimale du discriminant d'un corps de nombres de degré n, et , on a cru que D était infini. Mais le théorème de Golod et Chafarevitch permet de montrer que (de meilleures bornes ont été ensuite trouvées)[5].
Références
[modifier | modifier le code](en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Golod–Shafarevich theorem » (voir la liste des auteurs).
- Roquette 1967, p. 241.
- (ru) Ernest Vinberg, « Sur le théorème de dimensionalité infinie d'une algèbre associative », Isz. Akad. Nauk. SSSR, vol. 29, , p. 209-214.
- Roquette 1967, p. 237.
- Golod 1964.
- (en) Władysław Narkiewicz, « Global Class Field Theory », dans Handbuch of Algebra, vol. 1, Elsevier, , p. 385-386.
- (en) V. K. Karchenko, « Simple, prime and semi-prime rings », dans Handbook of Algebra, vol. 1, Elsevier, , p. 770.
- Golod et Chafarevitch 1964.
- Roquette 1967, p. 234.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Boughattas Elyes et Zhang Haowen, « L'inégalité de Golod et Shafarevich », sur École normale supérieure : serveur élèves, (consulté le ).
- (ru) E.S Golod et I.R. Chafarevitch, « Sur la tour des corps de classes », Izv. Akad. Nauk SSSSR, vol. 28, , p. 261–272 lien Math Reviews.
- (ru) Evgeny Golod, « Sur les nil-algèbres et les p-groupes finiment approximables », Izv. Akad. Nauk SSSSR, vol. 28, , p. 273–276 lien Math Reviews.
- (en) Israel Nathan Herstein, Noncommutative rings, MAA, coll. « Carus Mathematical Monographs », (ISBN 0-88385-039-7), ch. 8.
- (en) Johnson, D.L., Topics in the Theory of Group Presentations, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-23108-6), chap. 6.
- (en) Helmut Koch, Algebraic Number Theory, vol. 62, Berlin, Springer, coll. « Encycl. Math. Sci. », , 269 p. (ISBN 3-540-63003-1, zbMATH 0819.11044).
- (en) Władysław Narkiewicz, Elementary and analytic theory of algebraic numbers, Berlin, Springer, coll. « Springer Monographs in Mathematics », , 3e éd., 708 p. (ISBN 3-540-21902-1, zbMATH 1159.11039, lire en ligne), p. 194.
- (en) Peter Roquette, « On class field towers », dans J. W. S. Cassels et Albrecht Fröhlich (eds.), Algebraic number theory : Proceedings of the instructional conference held at the University of Sussex, Brighton, September 1–17, 1965, Londres, Academic Press, , p. 231–249.
- Jean-Pierre Serre, Cohomologie Galoisienne, Springer, coll. « Lecture Notes in Mathematics », , chap. 5.